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Me voilà arrivé dans une situation de frustration

Septembre 2011

Bonjour,
Il y a quelques mois je suis tout par hasard tombé sur un site
hollandais (seksueelgeweld.nl) parlant d'abus sexuels.
Ce site contenait plusieurs explications et témoignages de victimes,
amis et partenaires. Avant de pouvoir vraiment lire (et relire)
attentivement les dossiers ce site a été fermé.
Me voila arrivé dans une situation de frustration, car enfin j'avais
des informations et conseils de valeur à ma portée, mais que je n'ai
su utiliser. Un vide est donc apparu.
L’intérêt pour ce sujet n'est pas apparu sans raison.
Il y a maintenant 9 mois que j'ai rencontré une magnifique fille,
après des flirts pendant un certain temps on est sortis ensemble.
Après plus ou moins un mois, dans un café, on a commencer a parler de
notre relation et elle semblait douter de ses sentiments a mon égard.
Cela faisait quelques jours qu'elle avait rencontré un nouveau
collègue qui essayait de la draguer. J'ai essayé de la faire parler
ouvertement de ce qu'elle aimait et ce qu'elle n'aimait pas chez
moi/nous. Une chose était les "bisous". Moins de 5 minutes après elle
est fondue en larmes et c'est échappée dans les toilettes quelques
instant pour se reprendre.
Après une courte pause on a continué a se voir en tant qu'amis et
ensuite de nouveau plus. Les jours, semaines et mois ont défilé et
suite à quelques propositions de rester dormir chez elle furent
refusées par des "plus tard", ensuite par un "mauvais souvenir", et
par un "très mauvais souvenir, je te le raconterai, mais pas
maintenant". Naturellement une phrase comme ça fait réfléchir, et si
mes premières pensées étaient des méchants petits amis, la pensée
d'abus sexuel m'a effleuré l'esprit. Mais dans le monde protégé et
idéal dans lequel je vis cette option semblait impossible et
inimaginable.
Un jour, avec la plus grande peur et stress imaginable, j'ai trouvé le
courage de lui demander de raconter cette histoire.
En quelques mots elle m'a raconté que étant petite elle a été en
contact "avec un pénis adulte" quand elle était petite. Ces mots,
raconté avec une légère émotion, mais aussi avec un vocabulaire
"descriptif" me sont arrivés comme une gifle énorme me coupant tout
souffle, intelligence et réaction. J'ai réussi a sortir 2-3 mots ou
question superficielle et quelques caresses douces, mais je dois
admettre que je n'étais pas préparé a entendre ça.
Depuis ce jour j'ai une grande peur d'aborder le sujet, de peur de lui
faire mal. A chaque fois que j'entends des histoires d'abus, a la
télé, dans les journaux, dans un film ou série un sentiment de révolte
et d'injustice m'envahit.
Comme j'ai compris que globalement il fait oser "nommer la bête", et
qu'il faut oser en parler j'ai trouvé la force d'en parler encore deux
fois, avec le but de lui tendre l'oreille.
Une fois elle m'a racontée qu'elle "avait abordé le sujet avec lui" et
"quelle lui avait demandé de ne pas en parler avec maman". Je n'ai
malheureusement pas trouvé le courage de continuer sur cette phrase et
de lui demander concrètement qui est ce "lui". Es-ce son père, es-ce
son oncle, ou (très improbablement) un de ces frères?
Cette question me rogne, car sans avoir une réponse je ressent parfois
un sentiment négatif en voyant son père l'embrasser, ou simplement
mettre ces mains sur ses épaules ou la frôler subtilement. Des actions
entièrement innocentes dans une relation saine, mais a mon avis aussi
des actions qui peuvent donner l'impression du pouvoir qu'il pourrait
encore avoir sur elle. Mais es-ce honnête de penser cela si il est
innocent?
Un autre jour je lui ai demandé si ça c'était quand même bien arrêté.
Heureusement que oui, mais malheureusement je n'ai pas trouvé le
courage de continuer la discussion et ne lui ai pas demandé combien de
temps cet abus a duré.
Je lui ai dis plus d'une fois que je voudrais combattre ces démons a
deux, car a deux on est beaucoup plus fort que tout seul, mais je
remarque qu'elle n'aborde pas le sujet elle-même.
A certains moments je suis convaincu que je dois aborder le sujet, et
la forcer (avec douceur et patience) d'en parler. Je comprends que
parler et nommer la bête est très important.
Mais cette peur de faire remonter ces mauvais souvenirs, et donc de la
faire souffrir est omniprésente.
Nous voila en couple depuis 8 mois, et au fil du temps j'ai
l'impression de vouloir me convaincre que les problèmes qu'elle a sont
liés a ce passé terrifiant.
Des mots clés seraient: manque de confiance en soi, sentiment
d'infériorité, hypersensibilité, manque de se prendre en main (elle
déteste son boulot actuel, mais n'arrive pas a commencer a chercher un
autre travail) , elle dit qu'elle n'est pas romantique, parfois elle a
de sérieux doutes des sentiments qu'elle éprouve pour moi, elle ne
sait pas quoi répondre a des poèmes et des mots doux que je lui
envois/dis (et je ressent un sentiment de culpabilité), et le regard
des autres envers elle envers notre couple (des autres semblent donner
l'impression que je suis "enfin le bon").
Cependant ces manques de sentiments qu'elle éprouve pour moi semblent
incohérent quand je repense a des moments très forts passés ensemble,
de la manière amoureuse qu'elle me regarde parfois, de certaines
petites réactions et contre propositions intimes.
Cette incohérence de terrible doute a certains moments, encore vécue
ce week-end, me touchent terriblement.
D'un sens je ne veux certainement pas la manipuler ni la forcer de
faire des choses qu'elle ne veut pas, ni la forcer de rester avec moi
si elle ne ressent vraiment pas assez pour moi. Et de l'autre coté je
suis en face d'une fille qui me fait ressentir des choses et émotions
inconnues, et parfois je pense sérieusement qu'elle est la fille avec
qui j'aimerais partager le reste de ma vie.
Au fil du temps j'ai pensé a lui parler de porter plainte, mais c'est
probablement une mauvaise idée vu qu'elle m'a dit un jour "c'est
bizarre, je ne lui en veux pas" (donc un refus d'accepter qu'il a fait
un crime, et probablement aussi qu'elle est une victime.), et ce refus
catégorique que ça mère puisse être au courant.
Je voudrais lui en parler plus souvent, mais comme tout le monde, je
ne sais pas comment le faire le mieux possible pour lui faire le moins
de mal possible tout en l'aidant au mieux.
Me voila donc a la recherche de conseils, d'analyses psychologiques de
cas d'abus sexuels de mineurs et l'impact sur le reste de la vie. J'ai
regardé quelles sont les possibilités de discussion avec des
assistants psychosociaux via le travail, et après d'autres recherches
sur internet je tombe sur votre site web sosfemmes.
Un nouveau sentiment d'espoir m'envahit.
J'ai dévoré la page "comment s'en sortir"
(http://www.sosfemmes.com/violences/viol_abus_sexuels.htm) et les
questions/messages/réponses.
Je voudrais déjà vous dire un grand merci pour ce que vous faites, car
aux réactions des gens cela vaut un bouquet de fleurs à votre porte,
un ... chaque jour.
Me voila dans la situation ou je suis convaincu que je dois oser
aborder le sujet avec elle une fois de plus, et ce ne sera
probablement pas la dernière fois, car je semble comprendre que c'est
un travail de longue durée. Je voudrais lui proposer (encore une fois)
de parler avec une psychologue, mais je sais qu'elle ne vas pas faire
le pas elle même, et je ne sais pas si c'est une bonne idée de la
forcer un peu. Ou d'aller une fois ensemble.
Pourriez-vous simplement me confirmer que, malgré toutes mes peurs et
hésitations, en parler est en effet la chose a faire? Même si
ressortir ces vieux souvenirs lui feront mal a court terme?
Merci
PS: Si vous pensez que notre discussion a une valeur pour les autres
internautes, vous pouvez publier le contenu de nos messages, a
condition de le faire entièrement anonymement.  (pas de nom, ni mon
adresse email)

Bonjour,
De retour de mes congés annuels, je remonte peu à peu mes messages ; aussi, vous voudrez bien excuser le délai pour la réponse.
Je vous confirme effectivement que le silence n'est pas le meilleur moyen pour tenter d'évacuer les conséquences du traumatisme, lequel demande, avant tout, à être élaboré, c'est à dire « mentalisé », représenté, mais cette opération d'élaboration ne tient pas seulement au "dire" : il faut que le rôle du langage, médiateur de la communication verbale, soit envisagé comme l'un des vecteurs de la communication symbolique du sujet et cela au sein d'une relation transférentielle. D'où l'importance d'une certaine "technicité" de la "mise en scène" du traumatisme qui exige l'aide d'un professionnel, ce que n'envisage pas, pour l'instant, votre compagne.
Lire ici :
*(présenté par karine STEURS)
Dans le premier temps du traumatisme, l’appareil psychique est incapable de décharger l’excitation, le principe de constance est momentanément mis en échec, et l’impact va rester clivé dans la partie inconsciente du Moi, qui ne peut le contenir de façon consciente. Deux destins se présentent alors à lui (Freud 1939) :
- Le destin négatif : il crée une enclave dans le psychisme, empêche les activités de symbolisation, et accomplit son œuvre destructrice (Bockanowski, 1999). Une cicatrisation a lieu, mais sous la forme d’un enkystement, d’une vacuole nous dit Pinel, de la charge pulsionnelle. Les effets négatifs visent à éviter que le traumatisme ne soit répété et remémoré. Dans ce cas, les modalités défensives sont archaïques et se présentent sous la forme du clivage et du déni.
- Le destin positif : Organisateur, il permet par à-coups successifs la répétition, la remémoration et tend vers l'élaboration par le processus de liaison. Généralement, il s’opère un renversement de la passivité face au trauma, en activité. Cette modalité  défensive, moins primitive est celle de la tentative d’évacuation du traumatisme. Cette particularité défensive reste pathologique bien qu’il s’agisse pour la psyché d’une tentative de trouver une issue, donc  une tentative de guérison. Il s’agit en fait d’une tentative de recréer une scène psychiquequi permettrait une élaboration, une représentation de la scène initiale ayant créée l’effroi. Et ainsi donner au sujet l’illusion d’une maitrise de l’événement.  Elle se retrouve dans la littérature sous la dénomination de « névrose traumatique »
Si, au moyen d'un véritable travail psychologique, le traumatisme peut s'élaborer, votre amie parviendra sans doute à le dépasser dans les meilleures conditions possibles et à organiser sa vie avec des cicatrices certes mais sans la domination toujours agissante des faits traumatiques, lesquels semblent influer terriblement sur sa vie affective et sexuelle.
Cependant, afin de l'amener tout doucement à entreprendre une thérapie, peut-être devriez vous lui suggérer ces quelques sites :
*Mémoire traumatique et victimologie
Site de l'association Mémoire Traumatique et Victimologie, créée en 2009 et présidée par le Dr Muriel SALMONA, spécialiste des psychotraumatismes dus aux violences. Mémoire Traumatique et Victimologie est une association de formation, d'information et de recherche sur les conséquences psychotraumatiques des violences. Elle a pour but d'améliorer l'identification, la protection et la prise en charge des victimes de violences par une meilleure information du public et par la formation des professionnels impliqués, d'améliorer leur orientation et leur accès à des soins spécialisés de qualité, et aussi d'améliorer la connaissance et compréhension des conséquences des violences, dans l'optique de lutter contre toutes les violences et d'améliorer leur prévention.
http://memoiretraumatique.org/
http://www.sos-inceste-pour-revivre.org/
* http://aivi.org/
* http://www.sia-france.org/
*Centre de Recherches Internationales & de Formation sur l'Inceste & la Pédocriminalité (CRIFIP)
http://www.crifip.com
Partenaires:
http://www.lemondeatraversunregard.org
Pétition "En parler, c'est pas un crime!" : http://lapetition.be/en-ligne/petition-9614.html
et d'autres, qu'elle trouvera sur cette page, afin qu'elle puisse déjà aborder et se représenter (avec elle-même) ce qu'elle a subi.
Je reste à votre disposition.
Merci pour cette autorisation à la publication fort utile.
Nous respecterons complètement votre demande d'anonymat.
Cordialement,
Chantal POIGNANT
Agent de conseil

Bonjour madame,
Merci pour cette réaction, et pour les liens vers ces sites.
Peu après mon mail j'ai abordé une fois de plus le sujet avec ma
compagne. Je lui ai parlé de mes recherches sur le net et de votre
site. Je pense que cette approche facilite la conversation, car avons
reparlé plus ouvertement de ce qui c'est passé, et si oui ou non ça
c'était répété. (heureusement pas). Malheureusement même une fois est
une fois de trop et laisse un traumatisme réel.
Lire le mot "inceste" arrive comme une gifle car je ne l'avais pas
encore associé à cette situation. Cependant ce mot est aussi correct
que "d'abus sexuel sur mineur", probablement plus tranchant pour moi
vu qu'inceste est un mot tellement court.
Le fait que son père souffre d'une maladie incurable contribue
certainement à ce sentiment de pardon qu'elle a pour lui.
Le processus de guérison est probablement plus compliqué vu que d'un
coté elle aime son père (qui, excepté cette unique fois, a été un père
affectueux pendant toute sa vie) et elle ne veut pas le voir souffrir
ou mourir, et d'un autre coté a ce sentiment de dégoût de ce qu'il lui
a fait et fait faire.
Dans le passé nous avions déjà abordé le sujet d'aller chercher de
l'aide professionnelle, cependant sa réaction était fort négative vu
la mauvaise expérience qu'une amie a elle a eu avec un(e) psychologue.
Cependant pendant notre récente conversation son attitude était, me
semble-t-il, plus ouverte a cette option. Je sais qu'elle ne prendra
pas l'initiative elle-même, donc je compte faire quelques recherches
(merci pour ces liens !) et lui proposer un rendez-vous chez une
personne. Un petit coup de pousse me semble adéquat.
Je pense commencer à réaliser que cette guérison prendra du temps, et
qu'il n'y a pas de recette miracle.
J'espère que les autres victimes réalisent que leur conjoint est la
pour elles (ou eux) et que a deux on est souvent plus fort que seul.
Encore merci d'être à l'écoute des autres.
Une merveilleuse journée à vous.

 

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