Il  y a bien longtemps et pourtant !!!!!!!!!!!!!!
 Je voudrais vous parler d'un  épisode très douloureux de ma vie qui a certainement eu un impact  sur ma vie sentimentale et qui laissera à jamais dans mon coeur une  plaie ouverte. 
           Je vais avoir 18 ans dans  3 mois ; ma soeur va accoucher de son deuxième  enfant et elle me demande de venir garder ma petite nièce qui va  bientôt avoir deux ans. Je suis heureuse j'adore ma nièce et  mes parents sont d'accord pour me laisser partir, eux non plus ne se  doutent pas de ce qui m'attend.
           Nous sommes le 18 mars, ma soeur est  partie pour la clinique, je suis seule avec ma petite nièce, en fin  d'après-midi mon beau-frère rentre à la maison, je lui demande  alors c'est quoi , il me répond c'est un garçon et j'ai à peine le  temps de comprendre ce qui m'arrive, il essaie de m'embrasser sur la  bouche, je suis choquée, je ne sais plus très bien ce qui se passe  après, je dois m'occuper de ma nièce, je lui donne à manger, je la  couche et je me couche avec elle dans le même lit, mais là stupeur  !    Il arrive, me harcèle, je me souviens que je me  mets côté mur, ma petite nièce faisant barrage ; rien ne l'arrête.  Alors, je me réfugie dans les toilettes et je reste enfermée une  bonne partie de la nuit, je pleure et je tremble de tous mes membres.  Au bout de plusieurs heures, il me promet de me laisser tranquille et  je vais enfin retrouver E...... Je ne pense pas avoir beaucoup dormi  cette nuit là.
           Le processus est enclenché, chaque  fois qu'il le pourra ce salaud me coincera pour essayer de  m'embrasser, de me toucher la poitrine et même plus mais j'ai  beaucoup de mal à en parler. Certaines personnes m'ont dit  « pourquoi n'as-tu rien dit à ta soeur, pourquoi n'as-tu rien  fait ? » Tout d'abord, j'étais venue chez ma soeur, je n'avais  pas un sou en poche, je ne connaissais personne il n'y avait pas de  téléphone à cette époque, de plus j'étais responsable de ma  petite nièce ; je ne pouvais rien faire, j'étais pieds et poingts  liés.
           Je n'avais aucune expérience de la  vie, je sortais de ma campagne, j'avais reçu une éducation  catholique et surtout j'étais pure comme de l'eau de roche, j'avais  un très bon copain mais pas le moindre flirt, je n'y pensais même  pas et de voir cette homme que je considérais comme un frère me  faire subir tous ces attouchements, j'étais plus que dégoûtée. 
           Enfin mon calvaire a cessé  momentanément lorsque je suis revenue chez mes parents. Je ne leur  en ai soufflé mot, mais chaque fois qu'il revenait avec ma soeur,  partout où j'étais, il me trouvait ... acharnement !.....
           Malgré tout ça j'ai quand même  accepté de venir habiter chez ma soeur lorsque j'ai eu l'opportunité  de travailler au Paris. Je pensais qu'il finirait par me laisser  tranquille ; naïveté de ma part, jamais il n'a lâché prise.  Heureusement pour moi, j'ai quitté Paris pour N....... Je me croyais  sauvée !!!
           Autre concours de circonstance, ce  Monsieur a été muté à N........ et rien ne le décourageait, je  le trouvais parfois sur mon chemin près de la clinique où je  travaillais, jamais je n'aurai pu vivre en paix mais je jure qu'il  n'est jamais arrivé à ses fins.
           En 1966, je rencontre mon futur mari,  je tombe enceinte en septembre 67 et je pars  en février  retrouver le père de mon enfant qui est au sanatorium. Mais très  vite nos relations tournent mal, j'ai sans cesse besoin de preuves  d'Amour, je crois que j'ai failli faire des bêtises, je crois que  j'avais en permanence en tête l'agression subie. 
           Nous revenons à N..... en septembre  68, avec notre petit bout de chou qui a 3 mois. En décembre  mon mari repart à l'armée, me voilà de nouveau seule face à ce  loup qui n'arrêtera pas de me harceler. Nous avons trouvé un meublé  à quelques minutes de chez ma soeur et à tout moment il vient  frapper à la porte. Je pleure, je n'en peux plus. 
           Je suis enceinte de mon 2ème  enfant, je suis très malade, je maigris, je pèse à l'époque 38  Kgs, je crache du sang. Malgré tout je suis quand même obligée de  m'occuper de mon fils qui a 6 mois, je dois faire des kms à pied  avec le landeau pour aller faire mes courses, aller à la  consultation de nourrisson. Nous n'avons aucun confort, pas de salle  de bains, pas de machine à laver. Je ne sais pas comment j'ai fait  pour m'en sortir.
          Et toujours ce fauve qui rôde  !!!!!!!!!!!!!!
          Quelques années plus tard, en 1972,  nous changeons de quartier, mon mari quitte la marine et trouve  du travail sur N......... Période de rémission, mais toujours les  mêmes réactions par rapport à mon comportement amoureux. Je me  sens sans cesse agressée, je ne peux pas vivre complètement ma  sexualité et nous avons beaucoup de disputes, mon mari croit que  j'ai un amant, c'est crise sur crise de jalousie.
          1977 : le 3 juillet naît  notre  troisième enfant, une fille après deux garçons, je suis très  heureuse mais mon bonheur n'est pas parfait parce que son père ne  restera pas avec moi pour l'accouchement. Il est devenu infect, il  sort beaucoup avec des copains pas très fréquentables, il boit plus  qu'il ne devrait. Je souffre énormément.
          Quelques mois plus tard, en  septembre, alors que j'allais faire mes courses, je rencontre le  monstre, il était venu habiter le quartier après que ma soeur ait  demandé le divorce et là il me dit « j'ai appris que tu avais  eu une petite fille, j'aimerais la connaître, est-ce que tu veux  bien me laisser monter » Pensant que c'était du passé j'ai  dit « oui si tu veux » à peine il était rentré dans  l'appartement, qu'il a recommencé, il m'a même demandé s'il  pouvait prendre une douche chez moi parce qu'il ne pouvait pas en  prendre chez lui ; alors là j'ai été ferme et je lui ai dit de  prendre la porte. Malgré tout, il y a eu d'autres tentatives,  coup de sonnette à la porte à chaque instant. Un jour j'ai craqué,  je lui ai dit « tu me fiches la paix sinon je préviens  E..........» je suis descendue téléphoner à la cabine, j'étais  en larmes, j'ai dit à mon mari « il faut que tu viennes me  débarrasser d'un salaud » Je lui ai dit qui c'était et ce qui  se passait. Le comble c'est que mon mari n'a rien compris, il est  devenu de plus en plus jaloux. 
 J'ai eu beau lui dire que si j'avais  eu un amant, je ne l'aurais sûrement pas appelé au secours, il  n'a rien voulu savoir. Après ça j'ai eu droit aux pires injures qui  soient. Cela nous a conduit tout droit à la séparation.
          2ème  épisode
           20 ans plus tard je pense retrouver  la joie de vivre avec un ancien ami qui me contacte après le décès  de sa femme, parce que je le connais (mal) j'accepte de vivre avec  lui ; mais je vais de désillusion en désillusion ; tout d'abord ce  seront des réflexions du style "Ne compte pas sur moi pour  m'apitoyer sur ton sort" alors que je suis hospitalisée pour  des examens post-opératoires ; Dieu que ça m'a fait mal !!!   pourquoi cette méchanceté gratuite ? Je ne me plaignais pas,  j'avais eu la visite d'amies un peu plus tôt qui m'avaient   trouvée radieuse, rajeunie et je leur ai répondu "je suis  heureuse tout simplement" et voilà le vrai bonheur n'aura  duré que quelques mois.
           Malgré tout je pardonne, je lui  trouve des excuses. J'avais enfin trouvé mon âme soeur, je n'avais  plus de tabous, je me comportais enfin en femme amoureuse, j'étais  guérie !!! Malheureusement je me prend un deuxième coup de  poignard dans le coeur, alors que sa femme est décédée à 56  ans, que je vis avec lui depuis plus d'un an, il réunit  toute la famille pour un festin à la maison, le jour où  elle aurait eu 60 ans (anniversaire post'hume) en quelque sorte  ! Depuis tout a changé dans ma tête, c'est comme  s'il l'avait ramenée à la maison entre nous, je ne suis plus la  même ! J'étais très tendre et maintenant je ne peux plus faire un  pas vers lui ; malgré tout je suis toujours là ; j'ai peur de  retourner dans ma solitude !!! Est-ce une réaction normale ?  Certains m'ont dit que c'était une réaction de femme jalouse  !!!!!!!! 
           Je me sens très mal par moment et  j'en arrive à me faire du mal, me punir, me priver de sorties, je  n'ai qu'une seule envie c'est de me réfugier sous les couettes, j'ai  toujours envie de pleurer !!! 
           Parce que je n'ai aucune confiance en  moi et que je pense que je ne suis rien en comparaison de celle qu'il  a toujours en PHOTO 22X16 dans le couloir à l'entrée de la chambre  !!! et que cela fait 5 ans 1/2 que ça dure et que rien n'a bougé  par rapport à son engagement envers moi, il a même dit qu'il irait  finir sa vie en maison de retraite et que moi je devrais retourner  dans ma maison. Je me sens asservie, je ne me sens pas chez moi, je  n'ai plus d'identité, au début j'avais mis tout mon coeur  pensant adoucir sa peine et reconstruire un nid douillet en quelque  sorte, mais ça ne l'intéresse pas ! 
          POUR  MOI C'EST LA RECHUTE APRES LA REMISSION 
           J'aimerais que vous m'aidiez et vous  pouvez diffuser mon témoignage 
           MERCI
          Je viens de lire avec attention  votre témoignage et ce qui m'apparaît spontanément, c'est la  répétition d'évènements malheureux, répétition liée à un  "non-dit" qui fait que le "malentendu"  s'installe, grandit et dure jusqu'à ce que vous ne supportiez plus  (et c'est compréhensible) l'impact de la situation. 
            Alors, vous  perdez toute contenance et vous craquez d'autant plus que "l'autre"  vous manifeste indifférence voire mépris. 
            L'histoire se répète,  non pas parce que vous perdez votre identité mais parce que  vous-même, n'êtes pas certaine de votre identité au départ et que  l'homme qui est en face de vous repère cette faille et en profite  pour ne pas vous respecter. 
            Le "non-dit " creuse sa  place entre vous et les autres mais surtout entre vous et  vous-même... 
            * Malgré tout ça j'ai quand même accepté de  venir habiter chez ma soeur lorsque j'ai eu l'opportunité de  travailler au Paris. Je pensais qu'il finirait par me laisser  tranquille ; naïveté... 
            * Pensant que c'était du passé j'ai  dit « oui si tu veux » à peine il ... 
            * j'ai sans cesse besoin  de preuves d'Amour, je crois que j'ai failli faire des bêtises... 
            *Malgré tout je pardonne, je lui trouve des excuses. J'avais  enfin trouvé mon âme soeur, je n'avais plus de tabous, je me  comportais enfin en femme amoureuse, j'étais guérie... 
            * j'ai  peur de retourner dans ma solitude... 
            Parce que vous craignez  "votre" solitude, parce que vous avez peur de la  confrontation avec votre propre image, vous n'avez pas eu la force de  dénoncer le comportement de votre beau-frère, vous espérez que les  choses vont s'arranger (vous ouvrez naïvement à votre  ex-beau-frère) et vous êtes tellement en quête d'amour et de  reconnaissance, qu'il vous faut des preuves ; votre compagnon ne  comprend pas votre désespérance ; lui avez vous dit ? 
            20 ans  plus tard, vous vous mettez en ménage avec un ancien ami, sans doute  précipitamment et certainement aussi par peur de la solitude ; comme  vous le racontez, c'est presque un arrangement entre deux êtres qui  souffrent mais ce n'est pas un véritable choix, ce n'est pas une  rencontre entre deux identités qui vont s'unir et se compléter pour  faire quelque chose de plus que l'union de deux personnes isolées. 
            L'union de vos deux solitudes n'a pas "guéri" la vôtre  car, celle-ci, vous la portez en vous. 
            Votre solitude, c'est la  "faille", la peur du vide en vous, c'est la perception de  votre propre image qui ne correspond pas à votre "idéal du  moi", c'est votre "désespérance". 
            Vous attribuez  cette vulnérabilité aux agressions de votre beau-frère : il est  certain que les agressions ont accentué la faille et vous ont fait  vaciller. 
            Mais tout le non-dit dans votre famille autour de ces  agressions a un sens : pourquoi tout ce non-dit? 
            Cordialement, 
            Chantal POIGNANT 
          Agent de conseil 
          Je vous remercie de m'avoir répondu  aussi rapidement, j'ai pris un temps de réflexion et je vous donne  ma version des choses autour du non-dit dans ma famille.
            Pour  commencer je dois dire que je suis née en 1944 dans un tout petit  village breton de 300 habitants
            mes parents étaient agriculteurs  dans une  toute petite ferme dont ils n'étaient même pas  propriétaires, nous étions pauvres mais riches d'Amour ; j'en ai  reçu de mes parents sûrement mais surtout de mon grand-père qui  était un homme merveilleux, qui m'a beaucoup appris ; à découvrir  la nature, le chant des oiseaux, il m'appelait son petit rayon de  soleil, sentiment très rare dans le monde paysan, il était très  affectueux. J'étais encore sur ses genoux, la vieille de sa mort,  comme tous les soirs.
            Mon grand-père je l'ai perdu quand j'avais  9 ans, emporté en quelques heures, j'ai compris ce qui se passait  quand j'ai vu le médecin et le curé venir à la maison, ça été  mon premier grand chagrin, personne, ni mes parents, ni ma tante, ni  ma soeur qui avait 16 ans n'ont eu une parole de réconfort, on m'a  seulement appris à me résigner je crois à ce moment là.
            (Il  fallait que je vous signale cet évènement avant de continuer)
            
            (Je  reviens à mon enfance)
            J'ai à peine 4 ans et on découvre  que j'ai une luxation de la hanche, je pense que mes parents ont dû  faire des sacrifices énormes pour pouvoir me faire plâter, je leur  en suis reconnaissante ; mais ce qui me traumatise énormément, je  m'en rappelle comme si c'était hier, c'est de me retrouver entre les  mains de personnes en blouses blanches sans que je comprenne ce qui  m'arrive, on m'a dit qu'on allait se promener, je suis montée dans  une voiture pour la première fois !!! Je resterai 9 mois dans ce  carcan, plâtrée de la taille jusqu'aux chevilles, écartelée !!! 
            Je pense quand même que j'avais du ressort parce que lorsqu'on  m'enlève mon plâtre, je réapprend à marcher seule avec l'aide ma  soeur, je rentre à l'école 3 mois plus tard, à Pâques, comme ça  se faisait à l'époque et en décembre de la même année je sais  lire couramment, écrire, compter, faire des conjugaisons ; pour  preuve un de mes cahiers daté du 13 décembre 1949, j'avais 5 ans  1/2. 
            Je me sens bien dans ma peau, je boîte un peu, mais ça n'a  pas d'importance, je n'ai aucun complexe parce que j'existe, j'ai le  1er rôle dans les pièces de théâtre, je suis choisie lorsqu'il y  a un discours à faire à une personne importante.
            Parcours sans  faute, toujours bien classée, je me retrouve à 11 ans en fin de  parcours c'est-à-dire avec les élèves qui passent leur certificat  d'études primaires, je passe d'ailleurs le certificat religieux du  même niveau et j'obtiens une mention "très bien" . Dans  mon village, il n'y a qu'une école primaire, il faut soit aller en  pension, soit faire la route à vélo pour aller au collège le plus  proche c'est-à-dire 6 kms, pour moi il n'y aura pas de solution, pas  de pension puisque pas d'argent, pas de droit à une bourse, et pas  suffisamment de santé pour faire la route à vélo. Donc ce seront 3  années répétitives dans cette classe où les élèves ont 2 ans de  plus que moi, j'ai vu mes meilleures copines partir en pension et  c'est en silence que je pleure, je n'en parle pas. 
            J'ai 14 ans  tout s'arrête, je me retrouve seule avec mes parents et ma  grand-mère, je m'occupe un peu du ménage, je fais de la couture, du  tricot, je m'ennuie à mourir, je suis malade, je maigris, c'est  d'ailleurs à cette époque que je subis les moqueries de petites  pestes qui me traitent de squelette, j'ai toujours tout gardé pour  moi. 
             Des personnes influentes, ont essayé de convaincre  mes parents de m'envoyer dans une école d'institutrice, avec  possibilité de rembourser les études par la suite, moi en  travaillant, le curé du village propose de me donner des cours  d'allemand (il faut seulement acheter les livres de cours) mes  parents refusent toute proposition. Pourquoi je n'en sais rien, en  tout cas mes parents n'en parlent pas sérieusement avec moi. 
            Je  dois avoir 17 ans, une amie de ma soeur (qui a 7 ans de plus que moi)  et qui est déjà partie à Paris depuis ses 18 ans, me prête sa  machine à écrire et la méthode et je commence à apprendre la  dactylographie toute seule, ma foi je me débrouille pas trop mal, et  si je vous ai dit "malgré tout ça j'ai quand même accepté de  venir habiter chez ma soeur lorsque j'ai eu l'opportunité de  travailler à Paris"
            c'est parce que c'était la seule issue,  la seule sortie de secours, je pense que vous comprendrez mieux  !
            l'exode rural, personne n'y a échappé !
            Jusqu'ici il en  ressort que j'ai subi, que je n'avais pas le choix puisque je n'avais  pas mon mot à dire, et pourtant j'avais pas mal d'atouts en mains,  c'est pourquoi je me dis que les gens ne naissent pas égaux en  droits, à l'endroit où ils naissent. 
            J'existe, je vis lorsque  je me sens aimée et utile, dans ma vie professionnelle j'ai eu des  postes à responsabilités puisque j'ai quand même réussi, en  partant de rien, à travailler avec des médecins, des avocats, j'ai  en effet repris des études lorsque j'avais 30 ans et maman de 2  enfants de 5 et 6 ans. Je n'ai jamais pu réclamer un centime  d'augmentation, je me sentais valorisée par mon travail et c'est ce  qui importait mais il n' empêche qu'il y a toujours eu un manque,  j'ai toujours soif d'apprendre encore et encore !
            Oui il y a bien  eu une faille, ma Maman qui faisait une fixation sur son propre échec  ne s'est pas rendue compte que j'étais en train de rater ma vie,  mais je ne lui en veut pas, elle a eu une vie très dure et quant au  non-dit par rapport à l'agression par mon beau-frère il faut dire  que jamais au grand jamais, le sujet sur la sexualité n'a été  abordé, j'ai eu mes premières règles le jour du mariage de ma  soeur comme par hasard, j'avais 15 ans 1/2, je n'ai même pas osé en  parler à Maman, je me suis débrouillée comme j'ai pu, tout était  honteux. Comment voulez-vous que je lui parle de ces choses là !  D'ailleurs un psy m'a dit  que la victime d'un viol se sent  coupable et je pense que c'est vrai. 
            Maintenant que j'ai mis tout  ça noir sur blanc, ça me m'enlève un poids, il y aurait tellement  de choses à évacuer qu'il faudrait des pages et des pages.
            Je  vous remercie de me lire et s'il y a une réponse plus précise je  serai heureuse d'avoir votre avis
            
            Bonjour,
            Donc,  j'avais vu juste : les prémices de votre identité ayant toujours  été ignorées, presque bafouées, vous n'avez pu vous consolider et  défendre votre "je", ce qui explique la répétition des  situations non satisfaisantes mais toujours "moins pires"  que le "vide" familial que vous aviez connu enfant, un vide  rempli paradoxalement de "non-dits" qui perturbent et  effraient la petite fille avide de connaissances et de  reconnaissance.
            Vous avez tenté de réduire la béance de votre  moi en partant courageusement à la recherche de "l'autre"  et de la "connaissance".
            Votre seule "erreur"  à mon avis, dans votre précipitation, c'est que vous avez sans  doute plus donné, à un moment, la priorité et votre confiance à  l'autre plutôt qu'à vous et votre culture.
            Aujourd'hui, vous  savez que cette soif d'apprendre date de votre enfance, sans doute  par rapport à tout ce qu'on vous ne disait pas vraiment, comme si  vous étiez "inexistante" (malheureusement beaucoup de  parents croient, sans méchanceté et c'était encore plus vrai  autrefois, que les enfants ne sont pas capables de comprendre et les  considèrent encore trop souvent comme des éléments passifs,  presque "négligeables").
            Vos parents n'étaient pas  maltraitants, seulement un peu sourds et muets, un peu isolés  socialement, affairés à gérer les difficultés du quotidien.
            Ils  n'ont sans doute jamais investi le domaine de l'interpersonnel, les  aspects relationnels de l'existence : absents physiquement puisque  "affairés", ils l'étaient surtout psychologiquement et  vou, étiez comme "posée" là à côté de ces adultes,  sans véritables interactions avec eux.
            La capacité d'une mère à  être lucide dépend aussi de la gravité de sa propre histoire (et  vous me parlez de son "ratage" personnel justement).
            Ainsi,  vous avez raison de ne pas lui en vouloir mais surtout, prenez de la  distance par rapport à cette figure maternelle blessée et  irréparable, par rapport à la représentation de ce couple parental  bancal, peut-être.
            Vous n'êtes pas comme eux puisque vous avez  pu, en partie, vous réparer par la culture.
            Reste à vous réparer  affectivement en renforçant votre croyance en vous d'abord.
            Et  sachez que le manque ne peut jamais être tout à fait  comblé...
            Cordialement,
          CP 
          Vous avez su trouver les mots justes et  pendant la lecture de ces lignes c'est comme si j'étais revenue 50  ans en arrière, tout à ressurgi et j'ai pleuré, c'est hélas la  triste vérité ! J'étais vivante sans savoir ce que je faisais sur  cette terre ; posée là, à côté de ces adultes, effectivement !  Une partie de mes amies étaient parties en pension, d'autres étaient  Mamans très jeunes (à peine 17 ans) je ne savais pas dans quelle  catégorie me placer. 
            Mes parents n'ont pas pris conscience de  mon mal-être, ils étaient dépassés par cette vie de forçats  qu'ils ont menés ! Maman n'était pas destinée à mener cette vie  là et elle en a beaucoup souffert.
            Je pense aussi que c'était  pour me protéger, voire même me surprotéger, par rapport à ma  santé fragile, c'est sûrement un tort mais Maman n'a jamais voulu  que je participe aux travaux de la ferme ! Je ne sais pas ce qu'ils  envisageait comme avenir pour moi ! 
            Finalement il y a eu cette  sortie de secours, et j'ai retrouvé la joie de vivre, par mon  travail valorisant.
            Une chose dont je suis certaine c'est que mes  parents m'ont aimée, à leur manière, si je devais mendier un bisou  à  Papa avant d'aller me coucher, ce n'était pas le cas pour  Maman qui venait tous les soirs me border et m'embrasser et ce,   jusqu'à ce que je parte de la maison.
            Pour ce qui est de la  communication, nous nous sommes bien rattrapées par la suite, j'ai  gardé les lettres que Maman m'écrivait, il y en a beaucoup, nous  avons toujours été très proches, en osmose, avec des transmissions  de pensée, souvent on décrochait le téléphone en même temps !!! 
            Mes parents ne sont plus de ce monde, j'étais avec Maman  lorsqu'elle a fait un début d'AVC et alors qu'elle avait du mal à  parler elle n'arrêtait pas de répéter "toute une vie gâchée"  cela aurait pu être ses dernières paroles, elle a vécu quelques  années après puisque le médecin est arrivé à temps pour limiter  les dégâts.
            Vous terminez en me disant qu'il faut que je me  répare affectivement, je vais essayer, mais ce ne sera pas facile  parce que je n'ai toujours pas d'estime pour moi, je sais aussi, que,  comme vous dîtes " le manque ne sera jamais comblé"...
            
            Pour  terminer, je voudrais ajouter que malgré une séparation qui date de  1986, je n'ai jamais voulu reprendre mon nom de jeune fille, pourquoi  ? J'ai un peu honte de faire cet affront à mes parents mais je pense  que ça me rappelle trop de mauvais souvenirs.
            Je vous remercie  infiniment de m'avoir aidée, c'est avec plaisir que je vous lirai à  nouveau si vous le souhaitez.
            
            Bonjour, 
            Votre  message est très beau et pétri d'amour pour ces parents non aidants  mais si "déshérités" eux-mêmes ; à tel point, qu'il  semblerait, que vous n'ayez jamais voulu renoncer à porter le  fardeau de votre mère ; plus ou moins inconsciemment, vous perpétuez  le lien, comme si vous ne vouliez surtout pas les trahir mais tout en  étant lucide sur la nécessité de rompre (un peu et symboliquement)  avec ce lourd héritage psychologique (vous n'avez pas repris votre  nom de jeune-fille). 
            Vous avez été capable de donner la  priorité à l'amour quand votre maman est tombée malade et cet  amour vous a ouvert bien des trésors ; il vous a notamment sauvée  de l'amertume et le "pardon" n'a fait que vous enrichir. 
            Vous avez su éviter l'écueil de la destructivité même si, en  voulant réparer quelque part votre maman, vous avez reproduit à un  moment les signes de son mal car vous avez dû faire avec cet  héritage (terrible) que sont les derniers mots de votre mère. 
            Vous  avez eu accès à la sollicitude et c'est ainsi que vous avez fait  votre propre oeuvre de réparation. 
            Maintenant, votre maman est  morte, elle qui ne fut jamais bien vivante, il vous faut la laisser  là où elle est et vous donner l'autorisation de vivre pour vous. 
            J'aimerais publier vos témoignages ; vous me l'aviez permis lors  du premier message mais souhaitez vous qui figure une adresse et  laquelle ? 
            Cordialement, 
            Chantal POIGNANT 
            Agent de  conseil 
            
          Merci une fois de plus pour votre  réponse qui me touche ! 
            Vous avez su démèler l'écheveau de ma  vie en quelques courriers, vous m'avez beaucoup aidée à y voir plus  clair.
            Ma Maman est toujours dans mon coeur, je l'ai aimée d'un  amour inconditionnel, je ne lui en ai jamais voulu, j'ai tellement  partagé sa souffrance, elle a très souvent déversé le trop plein  en me la confiant, c'est vrai que j'ai porté ce fardeau sur mes  jeunes épaules, elle me racontait la mort de son frère à l'âge de  20 ans ; ce frère qui aurait du reprendre la ferme de ses parents,  ce qui a tout chamboulé dans sa vie à elle, en plus de la douleur,  elle a dû quitter son travail à la poste pour revenir travailler à  la ferme. Je pense qu'elle n'a jamais accepté sa condition. 
            Je  n'ai jamais entendu d'éclats de voix entre mes parents, mais je  comprenais quand ma Maman n'allait pas bien, elle s'en allait dans  les champs les plus éloignés, je partais à sa rencontre, je la  retrouvais en larmes. J'ai été sa confidente ; elle me l'a bien  rendu par la suite.
            Je crois qu'elle a été fière de moi lorsque  j'ai réussi ma vie de femme et surtout de Mère, à croire que tout  le reste, elle l'avait occulté !
            Est-ce pour toutes ces raisons  que j'ai une sensibilité à fleur de peau ?
            Je vais essayer de  suivre vos conseils, me donner l'autorisation de vivre pour moi.
            Avec  toute ma reconnaissance
            
            Vous pouvez publier mes  témoignages avec cette adresse 
          soazigj@yahoo.com