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Les risques du métier
Imprimer cette page    Le cadre juridique

Prostitution > Du fantasme à la réalité …

 

Plus vieux métier du monde, métier tout court, mal nécessaire, esclavage … les affrontements idéologiques et moraux sont innombrables autour de la prostitution. Mais, de vrai débat public, point.

Depuis 1946 (voir le cadre juridique de la prostitution en France dans la même section du site), la France a adopté une position dite "abolitionniste" qui vise — sans l'interdire — à l'extinction de la prostitution par l'absence de textes la réglementant, la pénalisation du proxénétisme et quelques maigres subsides attribués à des associations travaillant sur le champ de l'action sanitaire et sociale.

Depuis la fermeture des maisons de tolérance, la prostitution n'a cessé de se développer en maints lieux, colonisant plus récemment de nouveaux territoires tels que le minitel et l'internet où cette activité échappe plus facilement au contrôle de la police et au fisc … mais aussi aux associations offrant des services aux personnes prostituées.

Ces nouveaux "territoires" de la prostitution, déplaçant l'activité de la rue au domicile (ou autre lieu de rendez-vous) et modifiant le mode de recrutement des clients, donnent le sentiment aux personnes ayant des relations sexuelles en échange d'argent d'exercer une activité d'escort girl ou de call girl (termes utilisés sur internet), non de prostitué(e), tant le mot même de "prostitution" ou de "prostitué(e)" résonne péjorativement, en écho de toutes les déclinaisons sémantiques possibles : putain, pute, etc.



© Yves Lambert


Entre fantasme et réalité ...

La prostitution est en soi un fantasme majeur : celui d'une personne (femme ou homme) sexuellement disponible, c'est-à-dire ne refusant pas un acte sexuel qu'il suffit de solliciter sur la base d'un contrat évident, connu de tous : acte sexuel en échange d'argent. C'est ce contrat qui établit la prostitution.
C'est bien sûr un fantasme (très très) essentiellement masculin : ce sont évidemment les hommes qui forment la masse énorme des clients (1).

Au contrat (masculin) d'un peu "d'amour" contre un peu d'argent, la personne prostituée ajoute une clause particulière, généralement ignorée des clients : prendre le plus d'argent possible et se débarrasser du client le plus rapidement possible, ce qui revient à se débrouiller pour qu'il éjacule au plus vite.

La quasi totalité des personnes prostituées n'a pas choisi de se prostituer : à de rares exceptions près, elles ont été contraintes d'une façon ou d'une autre, c'est une donnée indéniable.
Parfois, c'est une situation socio-économique qui aura favorisé le passage à la prostitution ou un besoin d'argent important lié à une addiction (mais de nombreuses personnes prostituées ont besoin d'un produit pour se prostituer, alcool ou psychotropes. Où l'on voit au passage que la prostitution n'a rien d'un plaisir ...) : la plupart du temps, cette situation socio-économique n'explique pas tout.
Souvent c'est la manipulation affective et/ou la force, tout simplement, la coercition, parfois la plus sauvage où les menaces sur la personne elle-même mais aussi son entourage sont réels et très sérieux.


Mais avant tout, ce qui rend possible la prostitution, tout particulièrement la prostitution des femmes (mais pas seulement ...), c'est l'abus sexuel.

En effet, la grande majorité des femmes prostituées ont été abusées sexuellement pendant leur enfance ou leur adolescence, généralement par un membre de la famille (inceste), père, frère, oncle, ... ou par un proche (ami de la famille). A ce sujet, on découvrira avec intérêt les récits de vie sur cette section du site, ainsi que ce témoignage à la rubrique Questions, messages, réponses.

Quoique peu décrit dans la littérature spécialisée et finalement peu étudié (ce qui ne lasse pas de m'étonner ...), ce fait est pourtant remarqué depuis longtemps par les équipes de terrain, comme Antigone à Nancy, l'ALC-SPRS à Nice, etc. Il a été décrit par Caroline ALVAREZ-BROGONZOLI dans sa thèse de psychiatrie sur le sujet (recherche réalisée à Paris et Nancy), il est confirmé par certains auteurs comme Guy CORNEAU, (in N'y a-t-il pas d'amour heureux ? Comment les liens parents-enfants conditionnent nos amours, Collec. J'ai Lu n° 7157, Ed. Robert Laffont, Paris, 1997) qui cite un travailleur social québecois selon lequel jusqu'à 80 % des personnes prostituées auraient été victimes d'inceste (Cf. aussi Les Enfants de la Prostitution, Montréal, VLB éditeur, 1987).

Les conséquences de l'inceste ou de l'abus sexuel sur les enfants sont multiples et catastrophiques. Ce n'est pas notre objet ici de faire le tour de cette question mais nous pouvons tenter d'éclairer la relation qui existe entre inceste et prostitution.

L'enfant (ou l'adolescent) victime d'inceste va se trouver devant l'obligation d'avoir à gérer les pires paradoxes qui soient et ... qu'un enfant ne peut gérer sans altérer profondément son fonctionnement psychique.

L'écho du silence ...
Du silence de l'enfant victime d'inceste ou de sa parole va dépendre soit la suite de son calvaire, soit l'éclatement de la famille ou du réseau familial : être la cause de la destruction de sa famille, de l'opprobe jetée sur elle et/ou l'un de ses membres, est une responsabilité que la plupart des enfants ne peut évidemment assumer seul et sans aide ... Son silence va alors permettre le maintien de la cellule familiale et sa stabilité au prix de relations sexuelles non choisies, dégradantes, secrètes, prohibées et extrêmement destructrices pour son développement psycho-affectif, sa vie sexuelle future et son estime de soi.
Au silence de l'enfant victime d'inceste ou d'abus sexuels, comme un étrange écho, répond le silence de la personne prostituée qui jamais ne dénonce ses clients, quels qu'il soient (sauf exception : vol, aggression, etc.) : son silence permet une certaine stabilité sociale et, même, celle des familles (les conjointes sont rarement averties du fait que leur compagnon est client de prostitué-e-s ...) au prix de relations sexuelles avec des hommes non choisis.

Cette saleté de corps ...
Des hommes non choisis ... Mais qu'est-ce qui peut bien permettre à une personne d'offrir son corps et son intimité contre si peu d'argent (2) à n'importe qui (3) ? Voilà une question que de nombreuses femmes, par exemple, se posent ...
L'inceste et l'abus sexuel expliquent assez bien cette "aptitude". La découverte prématurée de la sexualité, et notamment de la sexualité masculine, à un âge où un enfant (ou un adolescent) n'est pas en mesure de la comprendre va engrammer une représentation très dévalorisée de celle-ci, des pulsions masculines, de son propre corps. Parce que l'acte sexuel est interprété comme sale, parce que le viol et l'inceste génèrent honte et culpabilité, le corps lui-même est vécu comme quelque chose de sale et de honteux, la victime s'enfermant dans le sentiment de sa propre responsabilité (4) ...
En outre, comme ni la volonté de l'enfant ni son corps ne sont respectés par l'adulte même qui est censé le protéger, comme c'est ce même corps qui est responsable de sa souffrance (puisqu'il est l'objet de la convoitise de l'abuseur), le corps devient un objet détestable et sans valeur aux yeux de son/sa propriétaire qui intègre peu à peu, et parallèlement, l'idée que ce même corps est paradoxalement la seule chose qui lui donne un intérêt aux yeux des hommes ...
Il est alors possible, non de le vendre, mais de consentir à l'utiliser à des fins pécuniaires.
Ecoutons C. : "Depuis le moment où ma dignité de femme et d'être humain m'ont été volées, je constate que je n'ai de cesse de vivre et revivre à l'infini les mêmes rapports d'abus émotionels, physiques et sexuels avec divers hommes. (...) Je me suis mise à suivre des hommes chez eux, des inconnus rencontrés dans la rue. Je les ai suivis, les ai laissés utiliser mon corps et suis repartie. Et chaque fois, pendant toute l'opération, je n'ai pas prononcé un seul mot, comme si une partie de moi avait accepté l'idée que je ne valais pas plus que le plaisir qu'un homme, n'importe lequel, pouvait prendre sur mon corps. (...) J'étais responsable de son érection et il me fallait à tout prix l'aider à s'en soulager. (...) Je ne décrirais pas le nombre de fois où je me suis laissée faire par des hommes qui ne me plaisaient pas, qui me dégoûtaient ... mais jamais au point où je me dégoûtais moi-même."

Répondre au désir du père ...
Tous les enfants n'ont, peu ou prou, qu'un seul souhait : se conformer à ce que leurs parents attendent d'eux, les garçons étant très sensibles aux désirs de leur mère, les filles à ceux de leur père, comme on le sait ...
Mais quand ce désir est de nature sexuelle ... ?
Une jeune fille que nous suivions avait été violée pendant toute son enfance et son adolescence par un père pompier de métier. Elle s'était prostituée pendant plusieurs années Porte de la Chapelle à Paris puis s'était réfugiée en région pour échapper au milieu et à la toxicomanie. Régulièrement, peut-être une fois par trimestre, elle retournait Porte de la Chapelle une nuit ou deux puis revenait et jetait ou détruisait l'argent qu'il lui restait, de l'argent sale, disait-elle. Nous discutions souvent avec elle de cette sorte de "compulsion prostitutionnelle" que nous cherchions à comprendre car, chaque fois, ces aller-et-retours la rendaient littéralement malade et dépressive.
Un jour, elle a lâché : "Pourquoi je fais ça ? Mais j'ai besoin de me salir pour faire plaisir à papa."

L'inceste ... mais aussi le viol
Hors l'inceste et l'abus sexuel dont certains enfants ou adolescents sont les victimes, le viol a, la plupart du temps, des conséquences très similaires sur les adultes et peut "favoriser" dans certains cas le passage à la prostitution de la même façon.
Certains réseaux de traite l'ont bien compris : Nadia (prénom réel modifié) a été enlevée dans son pays d'origine (Europe de l'Est). Séquestrée pendant plusieurs semaines, elle a été violée chaque jour à plusieurs reprises par plusieurs hommes avant d'être emmenée secrètement sur les trottoirs parisiens ...
C'est une pratique courante ...
Nadia a pu s'échapper grâce à une association : elle a obtenu l'asile territoriale et a repris ses études.

Nota bene : vous avez bien lu que jusqu'à 80 % des personnes prostituées ont été victimes d'inceste. Si l'on ajoute abus sexuels (hors inceste) et viols, on frôle les 100 % ... Vous n'avez en revanche pas lu que toutes les personnes victimes d'inceste, d'abus sexuels ou de viols se prostituent, se sont prostituées ou se prostitueront.

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Notes :
1. En écrivant cela, nous ne cherchons pas à nier l'existence d'une prostitution masculine dont des femmes seraient clientes (les gigolos) ; cette forme de prostitution existe bien. Mais : 1) elle représente une activité extrêmement faible comparée à la prostitution ciblant les hommes ; 2) elle ne se développe qu'à destination de milieux économiquement très favorisés ; 3) la plus grande part des hommes prostitués l'est pour des hommes. Remonter au texte.
2.
Pour fixer les idées : tarifs classiques (prostitution de rue) : 20 € une fellation, 50 € "l'amour". Remonter au texte
3. Ce n'est pas tout à fait vrai. Certain-e-s prostitué-e-s déclarent, par exemple, "ne pas faire de 'viande saôule', d'arabes ou de noirs" ... En réalité, hors une apparente xénophobie, les prostitué-e-s refusent ceux des clients qui ne leur paraissent pas "fiables" pour de simples raisons de sécurité. C'est du reste ce que nous leur recommandons ... (voir ici). La peur est probablement la plus fidèle compagne des personnes prostituées. Remonter au texte
4. En répondant par email sur ce site à certaines victimes de viol ou d'inceste, il nous arrive fréquemment d'écrire que les criminels que sont les violeurs (le viol est un crime, faut-il le rappeler ?) font leur lit du silence des victimes et du paradoxe que ce sont elles qui se sentent coupables ... bien trop souvent, en tous cas. Remonter au texte

 

 

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