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Message ou FAQ

 

Il pleut sur Nantes

Email en pied de message.
Août 2003

Quand j'ai découvert Barbara, il y a une quizaine d'années, une de ces chansons me faisait complètement fantasmer, c'était Nantes ou l'histoire de cette femme qu'on appelle pour soulager la conscience de son père incestueux à l'aube de sa mort. A l'époque, le mien venait de me violer, il ne l'a fait qu'une fois, et je révais d'un avenir shakespearien pour nous deux, équivalent à celui que chantait Barbara. J'avais 15 ans quand les faits se sont produits et l'entourage auquel j'ai raconté mon histoire (ma mère, des amis de mes parents et une de mes amies) ne m'a pas cru, bien sûr. Depuis, mes parents se sont séparés, non pas à cause de cette histoire mais parce que mon père s'est barré avec une autre nana en 1996. Ma mère a eu beaucoup de mal à s'en remettre, elle a fait une énorme dépression et a sombré dans l'alcool. Je n'en ai jamais voulu à mon père d'être parti mais en revanche je lui en ai beaucoup voulu d'avoir été odieux avec ma mère. Il s'est jeté corps et âmes dans une guerre sans merci, l'accusant de tous les mots de la terre et notamment de nous monter, nous ses enfants, contre lui. Un jour, il m'a même rappelé ce viol que j'avais décidé d'occulter, en envoyant un courrier à ma mère dans lequel il m'accusait d'adultère avec l'un de leurs amis. Et tout à coup, j'ai découvert l'aigle noir de la même Barbara, ce que voulait vraiment dire ce chant. Mais à l'époque, je n'ai pas réagi contre mon père parce que l'urgence était de sortir Maman de sa mélasse. Bien que je la détestais profondément pour tout le mal qu'elle nous faisait en nous appelant toutes les nuits complètement ivre, pour le chantage qu'elle exerçait à notre encontre à multiplier les menaces de suicide (et même, par deux fois de passer à l'acte), je ne pouvais la laisser se bousiller sans rien y faire. Il y a avait le feu dans sa baraque, l'important c'était elle et, à ce moment, j'ai mis ma vie entre parenthèses. Depuis 2 ans et demi, Maman va mieux et bien qu'il soit parfois difficile de lui faire comprendre que je ne veux plus désormais lui servir de bouée, elle parvient peu à peu à me laisser du champ pour me construire et me laisser vivre. Depuis 2 ans et demi, j'ai pu poser un peu mes valises, penser un peu plus à moi et j'ai pris peur. Curieusement (ou pas), j'ai commencé à boire à mon tour. L'alcool fait désormais partie de mon quotidien et il me procure l'illusion du courage pour dire et faire les choses. Il n'est peu de relations, peu de discours que je puisse gérer sans l'aide d'un elixir enivrant. C'est notamment grâce à la bouteille que j'ai trouvé la force, l'année dernière, de mettre mon père devant le fait accompli et de le menacer de porter plainte contre lui, 13 ans après son délit à mon encontre. Il n'a pas nié et m'a promis d'assumer ses responsabilités, toutes ses responsabilités(il avait aussi de temps en temps la main un peu leste quand nous étions petits), ce qui m'a encouragée à ne pas le traîner en justice. Mais une fois de plus, il m'a dupée. J'ai fait d'énormes efforts pour essayer de communiquer avec cet homme qui m'a toujours fait peur, avare de confidences en tout genre, incapable du moindre geste affectueux à notre égard. Une fois de plus, il a joué les martyrs en m'expliquant que tout ce qui m'était arrivé dans mon enfance l'avait été par ma faute (j'étais une enfant difficile) et celle de ma mère (qui nous montait systématiquement contre lui). Sa couardise m'écoeure vraiment car j'avais besoin pour être un peu plus en paix qu'il assume l'éducation qu'il m'a donnée, qu'il en reconnaisse les travers comme les atouts. Il y a deux mois, toujours sous l'effet du breuvage houblonnier, j'ai pris ma plume, lui ait écrit que, face à son attitude pour le moins vaporeuse, j'ai décidé de le quitter définitivement. J'avais l'intime conviction qu'il avait en mains les clefs de ma serrénité ou au moins une partie. J'ai aujourd'hui vingt-neuf ans et j'estime être en mesure de donner seule une direction à ma vie, ce pourquoi j'ai préféré rompre avec lui. Puisqu'il se refuse à m'apporter quelques petits bouts de mieux-être en me permettant de me réapproprier mon passé, il me faut désormais aller au charbon toute seule. Mais, putain, j'ai mal et surtout j'ai peur. Alors je continue de me voiler régulièrement la face en buvant jusqu'à plus soif.
Je sais que mon message est une bouteille à la mer(une de plus). Mais ça fait du bien de cracher le morceau tout entier, honnêtement, sans tricher avec moi-même, ni avec les autres. C'est plus facile aussi parce qu'avec le mail, le message est deshumanisé. Il me permet de dire ma détresse et mes faiblesses sans avoir vraiment à les assumer, finalement. Je sais qu'une thérapie pourrait m'aider à y voir plus clair et j'en ai d'ailleurs entamé plusieurs, sans jamais avoir le courage d'aller au bout de ma démarche. Je sais que l'alcool ne m'aide en rien, bien au contraire. Je sais aussi qu'il n'est qu'un leurre comme tous mes petits malheurs derrière lesquels je me cache pour ne pas avoir à entrer dans l'arène. Je suis dans la situation de quelqu'un qui sait nager mais qui malgré ça continue de se noyer, sans trouver la force de sortir la tête hors de l'eau de temps en temps. Je me vois me faire tout ce mal, mais j'ai une peur bleue de me faire encore plus mal à tenter de vivre. Alors que vogue ma bouteille... Marie.

PS: mon mail peut-être communiquer sans souci.

s.piaigl@tiscali.fr

Bonjour Marie,
Merci beaucoup pour votre témoignage. Vous avez compris ce qui pourrait vous sortir de là : une thérapie que vous n'interromperiez pas, "descendre dans l'arène", comme vous dites, et affronter pour ressortir vivante, bien plus vivante ... et surtout bien plus heureuse.
Je ne peux que vous recommander la visite du site d'Alixe http://alixe.loane.net/ et notamment des pages sur les psys ...
Vous avez 29 ans : l'inceste dont vous avez été la victime est désormais prescrit, vous ne pouvez donc plus poursuivre votre père au pénal. En revanche, une action civile en dommages et intérêts reste possible.
Cordialement,
Yves LAMBERT

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