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Quand on s'attache à son bourreau ...

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Décembre 2002

Bonjour et merci de tout coeur pour ce site.

En janvier, j'ai connu un homme sur mon lieu de travail. J'avais à l'époque des problèmes de couple. Mon mari et moi n'avions jamais eu réellement de relations sexuelles. Mes parents avaient des soucis graves de santé. Je faisais de l'anorexie pour laquelle je suis soignée depuis avril. Cet homme de 10 ans plus jeune que moi m'a épanouie sexuellement. J'ai trouvé avec lui un réel plaisir et une réelle implication dans l'acte sexuel. Et ce bien qu'il me prenne toujours avec c'est vrai une certaine brutalité. J'ai souvent des hématomes après nos relations mais sur le moment je ne me rends pas compte et ne pense qu'au désir passionné que j'éveille en lui. Dans une situation d'adultère pour la première fois de ma vie et pensant que l'aventure avec cet homme ne pouvait raisonnablement durer qu'un temps, j'ai tout fait pour me détacher. J'ai essayé d'aller voir ailleurs et lui aussi. Mais en fait, on n'avait envie que d'être ensemble. Mais visiblement on avait du mal à accepter l'évidence. Et puis mon père est mort après un mois de souffrance à l'hôpital. Alors, j'ai baissé les armes et admis que mon "amant" était dans mon coeur. J'ai pris vraiment conscience de mon attachement sincère pour lui. Mais il est devenu d'une jalousie féroce, consultant mon portable à tout bout de champ, ne supportant pas que je parle avec mon patron dans son bureau, m'interrogeant sur mes horaires, mes occupations., me suivant à mon insue, me reprochant d'avoir rencontré un homme par internet (ce qui est vrai, avant la perte de mon père , même si cela n'est pas allé plus loin que le flirt un peu poussé)...A chaque fois, je dois tout justifier et même si je tente de lui prouver par tout moyen mon réel attachement, même si je lui explique que pendant des mois je ne voulais pas croire à notre relation parce qu'elle me semblait impossible et que c'est pour cette raison que j'avais voulu le quitter, il m'humilie en ridiculisant mes paroles ou en me disant que j'essaye de le manipuler. Il est devenu ombrageux, capricieux, susceptible, je fais tout pour ne pas déclencher sa hargne. Il s'est mis à me "punir", soit en refusant de me faire l'amour, soit en refusant de me voir, soit en me rabaissant à propos de mon boulot (je suis responsable d'un service de 9 personnes ou plutôt j'étais car je suis en maladie depuis septembre) "ah oui, c'est vrai, c'est Madame La Chef qui veut soumettre tt le monde et qui s'exprime tjs avec des grandes phrases et des grands mots!!!" alors qu'il sait très bien que je ne suis par perçue comme çà par mes collaborateurs...soit en me faisant du mal à propos de mon mari "Ca m'étonnerait que tu ne l'ais jamais trompé, te connaissant" et son cynisme et son agressivité peuvent durer des jours et des jours. Tout ce que je peux dire est mensonge pour lui, même quand je lui dis les sentiments que j'ai envers lui.

Et puis il y a eu la semaine dernière. Je me suis installée chez lui car nous sommes séparés mon mari et moi. Le mercredi j'ai reçu un appel sur mon portable, un numéro que je ne connaissais pas. Il a recherché sur le minitel parce que j'avais peur que ce soit la crèche ou l'école (j'ai eu 2 enfants avec mon mari). L'appelant était une fédération syndicale quelconque. Je ne savais pas qui avait pu appeler de là-bas, alors il a téléphoné. Au standard on lui a dit qu'il était impossible de retrouver le correspondant. S'en est suivie une scène de jalousie avec hargne, cynisme, moquerie et méchanceté, comme d'habitude. Il était sûr que je connaissais un homme dans cette boîte, homme que j'aurais rencontré via internet. (j'ai appris depuis que c'était une de mes belles-soeurs qui avait voulu me joindre...). J'ai tenté de plaisanter sur sa jalousie mais il a été encore plus furieux, j'ai attendu le lendemain mais il était toujours aussi distant et fâché alors là j'ai commencé à me "rebeller". Nous nous sommes disputés le jeudi soir, et le vendredi soir où j'ai eu le malheur de le traiter d'"enfant-roi" et la bêtise de dire (ou plutôt de crier car j'étais à bout) que cela ne m'étonnait pas que sa soeur soit si effacée, si absente étant donné que lui prend toute la place chez ses parents et que personne ne doit résister à sa volonté. Il m'a fichue dehors à 1 heure du matin. Je me suis retrouvée à l'hôtel. Je l'ai appelé lui disant où j'étais. J'ai pensé qu'il viendrait...Il n'est pas venu et le lendemain midi il m'a adressé un texto me disant "tu n'entendras plus jamais parler de moi, l'enfant-roi retourne chez ses parents". Alors comme une adolescente, je lui ai répondu que je m'attendais une réponse comme celle-ci et que j'en avais marre de ma vie et que j'allais en finir. Il était midi ou 13 heures. Puis je suis sortie de l'hôtel et je suis allée m'acheter une bouteille de martini. Une fois de retour dans ma chambre, j'ai bu, bu, jusqu'à ce que j'oublie la notion du temps, la moitié de la bouteille. Et j'ai dormi. Vers 19 heures, il m'a envoyé un texto "le numéro de ta chambre", je lui ai donné et puis un autre texto "le code de la porte" et je lui ai donné. J'étais heureuse je pensais qu'il arrivait..Il ne venait pas, je l'ai appelé, il mangeait avec ses parents, j'ai raccroché, ses parents ignorent mon existence, j'ai téléphoné à une amie avec laquelle je suis allée manger au restaurant. Je suis rentrée dans ma chambre à 1h30 environ et là çà a été la nuit de trop parmi toutes les nuits de ma vie.

Il y avait 2 gobelets sur ma table, celui du martini et celui du café. L'odeur du café m'a écoeurée et j'ai jeté le gobelet puis je me suis déshabillée et couchée. Alors il est entré, s'est approché. J'étais si heureuse! Il allait me dire que notre dispute était stupide, il allait me dire qu'il tenait à moi(ce que jamais il n'a fait). Je me suis lentement collée contre son corps, des larmes de joie dans les yeux. Il m'a un peu repoussée puis s'est laissé aller. Et il y a eu cette phrase, l'horreur de cette seconde où brutalement le monde s'est écroulé autour de moi. "va chercher le gardien en bas et on fera çà à trois, je sais que tu en as envie". J'ai dit "non", et puis encore"non", mais à chaque fois avec la crainte de le voir partir. Alors il a laissé tomber mais m'a attaquée "avec qui tu as bu un coup cet après midi?" J'ai compris qu'il avait fouillé ma chambre pendant mon absence puisque s'il me posait cette question c'est qu'il avait vu le gobelet de café et avait supposé qu'il appartenait à un amant imaginaire. Je lui ai expliqué que le gobelet était à moi, et qu'il s'agissait de café, je suis même allée rechercher le gobelet dans la poubelle pour lui montrer. "et où as -tu eu du café?" Je lui ai répondu qu'en bas il y avait à l'accueil une machine à café et que d'ailleurs en rentrant j'avais voulu en prendre un mais que je n'avais plus de monnaie. Il avait l'air calmé alors je lui ai demandé s'il pouvait aller nous en chercher parce qu'on en avait besoin. Il m'a dit "non, viens, on va le boire en bas". Dans la salle café, il y avait une grande baie vitrée donnant sur la coursive du RDC. Il a voulu que je lui fasse plaisir et je me suis agenouillée devant lui mais avant je lui ai dit que ce serait mieux de faire cela plus à l'abris des regards indiscrets, il n'a pas voulu. J'ai vu à un moment qu'il regardait dehors, je me suis retournée et j'ai vu une ombre passer. J'ai voulu arrêter et nous sommes remontés pour aller à la chambre. Mais sur le chemin, il a voulu s'arrêter de nouveau: au premier, il m'a demandé de recommencer puis j'ai voulu arrêter et il m'a dit "non, continue", j'ai continué, je ne voulais pas qu'il soit fâché et puis enfin, il y a eu du bruit et il a accepté d'aller à la chambre. Mais devant la chambre il a fallu recommencer et là, le gardien, celui auquel je ne pensais plus, est passé, sans rien dire, pourtant nous commettions un délit ! Là je me suis relevée et je suis rentrée très gênée dans la chambre. On a recommencé et j'ai cru qu'il allait se laisser aller au plaisir des sens mais il a ouvert le rideau de la fenêtre donnant sur la coursive. Le gardien est repassé, s'est arrêté, a regardé. Il me disait "le gardien nous regarde, je sais que tu aimes çà". Non, je n'aimais pas çà, pas du tout mais j'avais tellement peur qu'il s'en aille. Il m'a demandé de me déshabiller, je l'ai fait. Il m'a dit "le gardien me fait signe pour savoir s'il peut rentrer". "non, je ne veux pas" ai-je dit avec presque de la lassitude. "allez ma puce, je sais que tu en as envie, fais le rentrer". J'ai alors pensé qu'il fallait en finir au plus vite et j'ai dit sans conviction, sans envie, "si tu veux mais c'est toi qui va le chercher". Il l'a fait rentrer. Il a fallu que je touche cet homme et la nausée qui m'a envahie ne me quitte plus depuis. Celui pour qui j'avais foutu mon couple en l'air, lui, me faisait mal. Ses gestes étaient sans douceur, sans respect. Il respirait si fort, excité par ce que je faisais au type en uniforme. Et puis, je ne pouvais plus, j'ai pleuré en disant "non, je ne peux pas, je ne peux pas, je ne peux pas", j'ai presque eu envie de crier "au secours". Alors, le bel amant m'a pris dans ses bras "pleure pas ma puce, si tu peux pas, c'est pas grave" . Il a enfin fini par faire sortir le type. J'étais complètement perdue et je n'osais rien dire. Alors il m'a lancé d'une voix froide qui tranchait tellement avec le ton qu'il venait de prendre pour me rassurer "bon, je m'en vais, je ne suis venu que pour voir si tu allais bien étant donné le message que tu m'as envoyé ce midi". J'ai dû prononcé un petit "non, reste" mais il est bel et bien parti, me laissant prostrée sur le lit, seule dans cet hôtel insécure. Une demi-heure après le départ de celui qui me rend si malheureuse ,le gardien est revenu frapper à ma porte de chambre pour obtenir de moi que je finisse le travail inachevé. J'ai vraiment eu honte de moi. Je lui ai dit de ne pas insister.

Cette semaine je suis seule avec mes enfants dans la maison "conjuguale" parce que mon mari et moi alternons la garde des enfants dans notre maison jusqu'alors commune. La semaine prochaine, je dois trouver un pied à terre, je ne sais pas trop où aller (puisqu'en fait je devais vivre une semaine sur 2 chez mon bel amant). Je n'ai pas donné de nouvelles dimanche, lui non plus. Je n'ai pas répondu pas au téléphone lundi midi et lundi soir. Alors il a débarqué lundi tard dans la soirée. J'ai refusé de lui ouvrir parce que j'ai peur de lui pour l'instant et je lui ai expliqué que la nuit de samedi m'avait réellement traumatisée. Il m'a laissé des messages agressifs sur le répondeur hier en me disant que de toutes façons j'étais consentante et que j'avais toujours eu ce fantasme. Il m'a reproché aussi d'être ingrate parce que lundi soir, il avait roulé comme un fou pour venir voir si j'allais bien. C'est vrai que le trajet est long et qu'il y a beaucoup de camions et qu'il est difficile de doubler.

J'ai honte et je me sens tellement coupable d'avoir induit tant de haine chez lui. Je ne comprends pas ce que j'ai fait. Est ce qu'il y a des comportements particuliers qui déclenchent une telle agressivité? Est ce que je dois considérer samedi soir comme quelque chose qui n'est pas si grave? J'ai tellement l'impression malgré tout que j'ai été forcée et que tout çà n'est pas normal.

Merci de me répondre, j'ai vraiment besoin de savoir ce que je peux faire, quelle conduite je dois tenir. Je suis vraiment perdue .

Bonjour,
Vous n'êtes pour rien dans tout ce qui s'est passé. Vous pouvez considérer ce qui s'est passé dans cet hôtel comme une agression sexuelle (peut-être un viol en fonction des circonstances) et porter plainte : je vous encourage à le faire et à rompre toute relation avec cet homme qui est un barbare, a abusé de vous et vous a manipulé depuis le début.
Ouvrez les yeux : vous ne pouvez plus aimer quelqu'un qui est capable de vous donner à un inconnu alors que par ailleurs il fait des crises de jalousie. Cet homme est fou et dangereux.
N'hésitez pas à me répondre.
Cordialement,
Yves Lambert

Merci de m'avoir répondu si vite.

Mais, est-ce normal, votre réponse ne m'a pas fait de bien. En fait, je crois que je ne voulais pas cette réponse .

Mon humiliation, ma honte sont encore plus grandes de devoir admettre que j'ai été abusée du début jusqu'à la fin dans cette histoire....même si je me doutais que son sentiment pour moi n'avait rien à voir avec celui que je nourris(sais) pour lui.

Je voudrais tellement qu'il se reconnaisse coupable. Au lieu de cela, il fait porter l'entière responsabilité de la nuit à l'hôtel sur moi. Je l'avais insulté soit-disant (référence à l'enfant-roi) et en plus j'ai soit-disant toujours eu ce fantasme, alors je vais pas faire un cirque avec çà. En quelque sorte je mérite ce qu'il m'a fait, à l'entendre. Il ne se rend pas compte de la disproportion de la punition. Il me fait faire ce qu'il veut, il fait plier mon âme, ma dignité et après il part en me laissant recroquevillée sur moi-même dans cet hôtel, avec le sentiment d'avoir été prostituée.

La semaine prochaine je serai sans mes enfants, j'ai peur de faire une connerie. Si vous saviez comme j'ai envie de disparaître. Je ne veux plus voir la suite. Je suis fatiguée. Je me sens tellement sale et tellement seule. Les gens que j'aime ne comprendraient pas cette histoire. J'ai envie de parler, de parler, de parler, pour exorciser ce diable qui m'a possédée et je n'ai personne que vous pour me soutenir. La psy, ça ne dure qu'une demi heure et c'est trop court pour dire ma douleur.

Je sais que par rapport aux femmes battues et aux jeunes filles et aux enfants qui ont été violés, ce que je vis ne doit pas être bien grave mais je vous assure, plus les jours passent, plus le souvenir de cette nuit- là me donne l'impression que je vais basculer.

Merci encore, vraiment merci. Rien que d'écrire et de savoir que quelqu'un prend un peu part à mon histoire, ne me juge pas, me fait du bien.

Bonjour,
Je comprends que vous n'attendiez pas cette réponse mais ... c'est la seule qui me semblait honnête de vous faire. En effet, plus tôt vous ouvrirez les yeux sur la réalité, plus tôt vous pourrez repartir sur un meilleur pied.
Ce que vous avez vécu est grave : vous avez besoin de soutien. Peut-être vous devriez en parler au CIDF de votre département ?? http://www.infofemmes.com/Adresses.html Vous ne serez pas jugée.
Cordialement,
Yves Lambert

Vous avez raison, j'ai besoin de soutien. Et , même si votre réponse m'a bouleversée, elle m'a fait prendre conscience que ce que j'avais vécu n'était pas normal, et il le fallait absolument. Je veux relever la tête. Je ne veux plus être l'esclave de cet homme. Je ne veux plus être à sa merci.

Je vais contacter le CIDF mais aussi et surtout je souhaiterais que mes proches, ceux qui comptent vraiment, sachent tout. Mais il me faudrait un peu d'aide pour çà. C'est pourquoi, je voulais vous demander s'il était possible de publier mon histoire, sans mettre de nom, afin que je puisse leur dire d'aller sur votre site et de lire mon témoignage, il me semble qu'après cela sera plus facile de me livrer. Il faut que je tue cette honte qui est en moi, par tous les moyens. Il faut que je reconstruise quelqu'un qu'on ne pourra plus forcer à dire "oui" à tout et à n'importe quoi.

Merci de tout coeur pour ce que vous faites. Encore une fois, ce site a vraiment été mon seul point de repère dans cette tempête.

Bonjour,
Je suis d'accord pour publier votre message et nos échanges évidemment de façon anonyme mais ne souhaitez-vous ajouter un email anonyme ? Regardez ici avant de prendre une décision : http://www.sosfemmes.com/faq/email_anonyme.htm
Cordialement,
Yves Lambert

J'espère que cela aidera les personnes dans la même situation à se sentir moins seules et à interrompre des "liaisons dangereuses" avant d'en arriver, comme moi, à se laisser briser. J'ai créé une adresse email comme vous me le suggérez pour qu'elle apparaisse à la suite de nos échanges.

Quant au titre, j'ai beaucoup de mal peut-être "quand on s'attache à son bourreau..." Cela résume sans doute ce que je viens de vivre. J'ai l'impression de me répéter mais je tiens vraiment, une fois de plus, à vous remercier de tout mon coeur pour ce que vous m'avez apporté et m'apportez encore en publiant nos échanges sur votre site.

chrys.alide@laposte.net

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