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Fermeture de la mémoire

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Août 2004

Aujourd'hui, je suis âgée de 46 ans.

Depuis l'âge de 14 ans, je zone dans le suicide. Après maintes tentatives, je viens enfin d'analyser que chaque crise est provoquée par un homme.

A 30 ans, lors de l'un de mes grands passages à vide, et dans mon trip psycho, je me suis demandée pour quelle raison je me comportais comme une putain. Et l'analyse revenait toujours sur un comportement typique d'enfant violé. Mais ma mémoire ne me permettait pas d'y remonter. Le seul élément dont je disposais, le voici:
- Je revenais de vacances avec ma tante, elle-même en service chez des "notables", elle effectuait son travail dans leur maison à la côte belge. Au retour vers la capitale, leur lieu de résidence, elle aurait du me raccompagner chez mes parents, mais cela lui aurait pris l'après-midi, alors son très gentil patron lui a proposé de me reconduire. C'était à l'époque, pour une famille pauvre, une aubaine de faire un si long trajet (50 km) en voiture, rien que pour moi. En quittant la route principale, nous sommes passés devant une échoppe de vente de raisin. Il s'y est arrêté, en a acheté, et a déplacé sa voiture sur un accotement. Là, il m'a prise sur ses genoux, et a voulu me faire manger du raisin, je n'en voulais pas. Je me souviens de son ton mielleux qui m'effrayait. Je me souviens de ses mains sur moi, je me rappelle de sa main entre mes cuisses. Et puis ma peur: -"je veux aller chez maman !", et la remise en route de l'auto. Le retour à la maison. Ma honte, ma fuite dans la cave à charbon, cachée dans un trou noir, avec mon teckel. Et maman qui m'appelait, et mes soeurs qui me cherchaient, je devais aller dire au revoir à ce si gentil monsieur qui avait pris de son temps rien que pour moi... La torture de son contact quand j'ai du l'embrasser pour le remercier. Et puis l'évitement les quelques très rares fois que je l'ai croisé durant les 20 suivantes années. Je ne supportais pas son regard, je me sentais déshabillée. Et puis mes soeurs qui faisaient de l'humour pendant toutes ces années, parce que à l'endroit où il a acheté le raisin, il y avait un bordel avec une vitrine. Dès que j'ai été en âge de comprendre l'allusion, ce rappel m'étais très pénible.

Alors, ai-je eu une agression sexuelle ? Des attouchements sûrement, et un grand traumatisme.

Quand j'en ai parlé avec ma psy, au moment où ces détails me sont remontés à l'esprit (à 30 ans), elle n'avait même pas l'air de m'entendre. Je lui aurais dit: -"Zut, il pleut" que sa réaction aurait été identique. J'ai donc pensé qu'il ne fallait pas en parler. Que tout le monde s'en foutait. Et que si je croyais avoir compris pourquoi je vivais si mal, la guérison était forcément au bout de la route.

Les années sont passées, j'ai refait ma vie avec un homme que j'adorais. De presque 10 ans mon cadet. Personne ne savait toujours rien. J'étais enfin fidèle, avec plaisir. Mais le "plaisir" m'était encore et toujours interdit. Frigidité absolue et irrévocable. Dans certaines périodes, la moindre approche de mon homme adoré me semblait un viol. La peur de le perdre m'a fait simuler durant de longues années.

Et puis, j'ai enfin appris sa mort, et j'ai enfin osé parler. D'abord à mon homme (qui n'en revenait pas), puis, enfin à ma mère. Elle m'a cru et m'a donné plein d'éléments caractéristiques de ma personnalité bizarre d'enfant. Mes soeurs, comme toutes les petites filles, étaient très attirées par les hommes (très sainement, en plein oedipe). Moi j'étais toujours très en retrait. J'ai su mon âge aussi à ce moment-là: environ 3 ans. Et j'ai décidé de travailler cet événement de ma vie par la kinésiologie (j'avais découvert cette méthode en soignant mon fils autiste). Une révolution s'est produite en moi. C'est tout un pan de vie qui m'était soudain accessible. Et j'ai enfin pu vivre avec un homme, et je ne l'en ai aimé que plus. Il était mon sauveur, mon arbre, ma force, mon alter-ego.

Il y a juste un an, il a renoué avec sa petite amie d'étudiant. Après 15 ans, elle est revenue, elle me l'a enlevé, malgré nos treize années de vie commune, malgré l'image du couple modèle que nous formions, malgré tout ce que nous avions partagé, malgré toutes les épreuves passées qui n'avaient fait que renforcer notre union, il est parti.

Depuis ce jour, je suis dans les mains du service "psycho-somatique", j'ai fait et presque réussi mon suicide. Je regrette encore maintenant de vivre malgré tout. Mais surtout, au plus profond de mon être, cette image, et surtout cette sensation sur ma peau, tout s'est emmêlé pour faire un marasme horrible dans lequel je continue de me débattre. Je sais que ma profonde dépression est le résultat de toute une vie, mais je ne suis pas retombée cette fois-ci dans mon comportement de mangeuse d'hommes (à 46 ans, c'est plus difficile d'ailleurs). J'ai sans doute simplement inversé la vapeur. Je me fais une vie de nonne, de sainte. Plus aucun homme ou femme ne m'approchera sans que j'ai des garanties de fidélité.

Les traumas ne s'effacent jamais. Et de plus ils conditionnent nos comportements. On vit avec. C'est le seul résultat que l'on peut obtenir avec les soins. On adapte ses attitudes, on s'invente des lois personnelles que l'on suit, et qu'on trouve normal d'exiger des autres.

Voilà, juste un témoignage. On peut publier, on peut répondre.

Bien à vous.

Marirose.

marirosemath@yahoo.fr

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