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Message ou FAQ

 

Lettre à Monsieur Perben, Garde des Sceaux

Email en pied de message.
Février 2004

Bonjour, vous avez déja publié mes deux messages (M46 et M71). Je vous joins la copie du courrier que j'ai envoyé ce jour à Mr Perben, Mr Sakosy, Mr Chirac, Mme Chirac, Mr Raffarin et Mme Ameline. En le lisant, vous comprendrez ma colère. Vous pouvez si vous souhaitez le publier sur votre site, peut-être, cela encouragerait d'autres femmes à faire de même, et nous arriverions peut-être à obtenir encore quelques avancées.(j'ai supprimé volontairement mes noms et adresse sur la copie que je vous adresse). J'ai également un passage télévisé ce jour sur notre chaîne locale.
Restant à votre disposition.

Monsieur le Ministre de la Justice
13, Place Vendôme

75001 Paris

Le 16 février 2004

Monsieur le Ministre ,

Aujourd'hui devait être un jour important pour moi, un jour que j'attendais depuis un an ! Aujourd'hui, enfin, après 16 mois de procédure, j'allais ENFIN être entendue par le juge d'instruction du Palais de Justice de xxxxx, pour pouvoir enfin me libérer de toute ma souffrance, de tous mes doutes, lui apporter mes preuves, répondre aux calomnies, arguments douteux et mensonges de mon mari, mis en examen depuis un an pour violences conjugales et surtout tentative de viol. ENFIN, j'allais pouvoir être entendue, car, depuis presque 8 mois, la procédure était " en l'état ", suite à, semble-t-il, différentes mutations de juges, et surplus de travail au Palais de Justice.

Enfin, j'allais pouvoir raconter : les souffrances, les humiliations, les coups, les viols, et la dernière tentative, devant mes trois filles. La vertèbre cervicale abîmée (et qui me fait souffrir encore aujourd'hui, 17 mois après), les hématomes au crâne, les traces de strangulation, la peau déchirée entre mes cuisses, les bleus sur les jambes…et après, comment mes filles, terrorisées, sont restées prostrées à la fenêtre, guettant s'il ne revenait pas avec un couteau pour " tuer maman ".
Enfin, j'allais pouvoir dire comment, depuis que j'ai eu le courage d'aller porter plainte en septembre 2002, (action qui m'a pris trois après midi de " siège " au commissariat, car les accueils et l'écoute y ont été plus que douteux) je fais des cauchemars toutes les nuits, comment je résiste aux appels téléphoniques d'insultes, aux manipulations sur mes filles (que je suis obligée de lui donner un week-end sur deux), les harcèlements, les pressions dont j'ai fait l'objet, la terreur parfois dans laquelle je vis encore, les dégâts psychologiques, peut-être pour certains irrémédiables.
J'allais pouvoir expliquer comment, depuis un an, mon mari, ce cadre très supérieur, s'est rendu " chômeur insolvable ", me laissant payer par voie de saisies sur salaires entre autres, environ 40 000 euros de dettes, alors que j'ai trois enfants à charge, et un salaire de 1200 euros.
J'allais pouvoir dire comment je tremble parfois de le voir arriver et commettre l'irréparable, car il arrivera un moment où il n'aura plus rien à perdre.
J'allais pouvoir expliquer mes craintes de le voir s'enfuir un week-end avec mes filles.
J'allais pouvoir dire comment je tente de garder la tête haute, devant une société qui, petit à petit, m'exclut du " circuit " (banques, employeurs - je suis licenciée économique - entourage (parfois proche) etc etc).
J'allais pouvoir expliquer ce qu'est ma vie aujourd'hui, cette image tellement négative que j'ai de moi tant il m'a si bien expliqué pendant 10 ans que je n'étais rien et que tous ses maux (mythomanie, adultères, endettements, violences, licenciements répétitifs etc) venaient de moi, ce que j'ai fini par croire.
J'allais pouvoir dire comment une de mes trois filles est perturbée au point de saccager son année scolaire.
J'allais surtout pouvoir dire tous les espoirs que j'ai mis dans cette action en justice, cette " libération " qu'elle représente pour moi.

En février 2003, j'apprends que le Parquet pencherait pour une médiation pénale. J'ai refusé avec révolte cette proposition, et par voie de procès verbal, j'ai pu m'exprimer auprès du Procureur, ce qui fut une première victoire car, effectivement, il a décidé que les faits étaient trop graves pour s'en tenir à une médiation, et a donc décidé d'une mise en examen. J'étais heureuse, car enfin, je m'estimais comprise et crue : c'est encore tellement difficile et tabou, les violences conjugales.
L'instruction a donc commencé tout a fait normalement : auditions, enquêtes, je me suis présentée à deux expertises psychiatriques (dont les résultats me sont favorables) etc .
Or, depuis début Juillet, date où mon mari a été auditionné par le juge d'instruction (muté depuis), la procédure est restée telle qu'elle. De mon coté, je me suis battue pour obtenir des témoignages, mener mes propres enquêtes pour accumuler des preuves.
N'ayant plus aucune nouvelle du Palais de Justice, j'ai écrit deux fois au juge d'instruction : en décembre 2003, et en janvier dernier : J'ai enfin obtenu mon audition tant attendue : aujourd'hui, Lundi 16 février à 14 heures.
Depuis que j'ai eu cette nouvelle, j'ai épluché, ré-épluché tout mon dossier, mis des annotations, écrit des arguments , j'ai tout préparé pour être bien sure de ne rien oublier. Mais ce matin, mon avocate m'appelle pour me dire que l'audition est reportée, car trop de permanences pénales aujourd'hui au tribunal : il y a des dossiers plus graves à traiter. Quand serai-je à nouveau convoquée ? Mon avocate me dit que cela peut encore prendre plusieurs semaines. Je sais que cela n'est qu'un report, mais, encore combien de temps à avoir cette boule dans l'estomac, cette souffrance, ces doutes ? Je vous laisse imaginer mon désespoir ce matin.

Si je me permets de vous exprimer tout cela, et de tenter de vous faire toucher mon désarroi, c'est parce que nous sommes deux millions de femmes en France à avoir nos vies " saccagées " par des êtres qui n'ont que ce moyen pour régler leurs pathologies existentielles.
Nous sommes proportionnellement peu nombreuses à " tenir bon " face à cette difficile machine juridique : beaucoup se découragent devant la longueur des procédures, ce que les " bourreaux " utilisent comme arme pour avoir tout le temps d'intimider, de menacer, de harceler.
Moi, j'ai la chance de pouvoir vous écrire pour m'exprimer. Mais cette année, 400 de mes sœurs de souffrance n'auront jamais cette opportunité, car elles mouront des suites de ces violences. Certaines de ces victimes avaient déjà pourtant, par le passé déposé plainte….mais classée sans suite, laissant ainsi libre champ à leur bourreau de commettre jusqu'à l'irréparable.
Pourquoi n'y a-t-il pas, pour nous protéger, des circuits plus rapides, comme cela existe dans certains cas ?


Je sais que depuis quelques temps, la cause des violences conjugales a fait l'objet de grandes avancées. Il faut continuer, accélérer les procédures, " museler " définitivement ces " déments " pervers et machiavéliques qui se pensent au dessus des lois, même en cours de procédure. Et surtout, connaissant les dégâts terribles et les incidences sur toute la famille que ces violences engendrent, il faut protéger ces femmes mieux qu'elles ne le sont actuellement.

Je suis persuadée que vous comprendrez ma démarche auprès de vous, elle n'est destinée modestement qu'à tenter de faire avancer les choses, ensemble. Et je me tiens à votre disposition, en toute humilité, pour vous expliquer en détail le marasme psychologique que toutes ces violences, ajoutées à ces difficiles et longues procédures, engendrent.

Je vous prie d'agréer, Monsieur le Ministre, l'expression de mes très respectueuses salutations.

Copies : - Mr le Président de la République
- Mr le Premier Ministre
- Mr le Ministre de l'Intérieur
- Mme la Ministre des Droits de la Femme
Mme Chirac

fred342@caramail.com

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