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Séparation et représailles ...

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Janvier 2004

Bonjour et Bonne Année,

Je me permets de vous réécrire. J'avais témoigné une première fois, mais en donnant mon nom. Je suis désolée de devoir vous reconctacter anonymement cette fois, car je tiens à vous faire part des difficultés énormes qu'il y a à vouloir sortir de la violence.

Je pense essentiel de prendre au sérieux les "supposées" menaces que ressentent les victimes encore sous emprise. Il n'est malheureusement pas rare que l'on prenne la peur des victimes, soit de parler soit, pire, de partir ou de mettre dehors une personne violente ne débouche sur un rejet pur et simple de la victime, y compris par son entourage proche.

La plus grande difficulté à affronter vient APRES. Lorsque j'ai témoigné, j'ai parlé de la difficulté à gérer la relation avec un ex-conjoint, lorsqu'il est aussi père d'un enfant commun. Le danger ne vient même pas forcément du fait que l'enfant soit victime directe ou indirecte de violence lors des droits de visite, mais au fait même du maintien obligé de relations entre la victime et l'ex, qui se sert de son statut parental pour maintenir une situation de conflits violents (généralement détournés) en instrumentalisant la parentalité.

Il est classique pour les parents divorcés ou séparés qu'ils soient mis dos à dos dans une co-responsabilité ou, seul le "conflit parental" existerait. Je tiens à souligner la "double peine" que cette erreur entrâine, car le "conflit parental" n'est pas, dans ce type de relation, à l'origine de la relation mais une conséquence, un avatar de la violence, et cela, surtout lorsqu'on est la mère, est extrèmement difficile à expliquer, surtout en ces temps ou la paternité est particulièrement encouragée (ce qui est positif, là n'est pas la question).

Si je tiens à témoigner aujourd'hui, c'est pour rappeller, hélas, à quoi, l'on s'expose, lorsque l'on parle, lorsque l'on se défend. Il "faut parler" dit-on aux femmes, aux enfants, aux victimes ... A quel prix !

Aujourd'hui, après plus de 6 ans de séparation, je suis toujours en situation d'isolement social, ne pouvant ni travailler, ni refaire ma vie . Mon enfant est prise dans un embroglio judiciaire tel, que maintenant, sur la foi d'un TROISIEME signalement de la part de son père pour maltraitance maternelle, nous en sommes 4 jugements pour modifier les dispositifs parentaux, avec un désistement volontaire du père qui a lui-même demandé au tribunal de faire fixer une autorité parentale exclusive en ma faveur assorti d'une diminution (demandé par lui-même) drastique de son droit de visite et la suppression de son droit d'hébergement ... à la nuance près, qu'il fait croire qu'il est manipulé et qu'il agit dans la préservation de l'enfant. Résultats : le Juge aux Affaires Familiales n'y a rien compris, et a ordonné une expertise médico-psychiatrique ... qui s'est retournée contre moi, au point que je suis qualifiée par cet expert (pas moins !) de "mère pathologique et pathogène" ! Mais ... à l'audience et à la stupéfaction de mon avocat qui s'était pourtant résigné à perdre le procès, le père a contraint le JAF à ne pas suivre l'expertise !

Nous aurions pu en rester là, et ... c'est ce que j'ai naïvement cru. C'était sans compter l'acharnement et l'intelligence de certaines formes de violences qui prennent des formes encore plus traumatisantes que la violence physique, verbale ou même sexuelle ... la violence morale, judiciaire, le "supplice de la goutte d'eau" qui creuse des galeries dans des montagnes pourtant millénaires.

Deux procès pour harcèlements contre moi : un au civil pour "ingérence à la vie privée" avec demande de 3000 euros de dommages et intérêt. Résultat : c'est lui qui a été contraint de me verser 500 euros sur la base de l'article 700. Puis ... même chose, au pénal, avec CONSTITUTION DE PARTIE CIVILE. Le dossier a été instruit, je n'ai même pas été convoquée en tant que témoin assisté, et ... NON LIEU en ma faveur.

Entretemps ... toujours pas de droits de visite exercés normalement, mais des menaces réitérées de dépôt de plainte en non présentation d'enfant. L'enfant "non présenté" finit par tomber malade régulièrement, somatise, cauchemarde, est suivie par une pédo-psychiatre et finit par refuser de voir son père. Lors d'une maladie, plainte en non présentation d'enfant !

Sur la base de l'expertise, la Brigade des Mineurs ne se pose pas de questions, transmission de la plainte (pourtant irrecevable), au Procureur de la République, avec une convocation violente (début de la canicule). Intervention des pompiers pour malaise hypoglycémique et chute de tension, ce n'est qu'à leur arrivée que je peux prévenir ma fille d'aller chez une voisine ... entretemps, je suis menacée de garde à vue et de placement immédiat de ma fille !

Le soir même, l'enfant fait une crise d'angoisse majeure. Mon médecin traitant reçoit un appel de la Police. Il refuse la consultation et réoriente l'enfant vers SOS médecins, qui régule vers l'hôpital ... à plus de minuit. Je suis sans voiture, épuisée, je m'y rends en taxi, avec une enfant de 10 ans sous le choc, sans pyjama, sans carnet de santé, sans nounours ... Hospitalisation pour motif "social" !

Le lendemain, je préviens le père (droit de visite) qui fonce chez l'assistante sociale de l'hôpital. Signalement contre moi.

Actuellement nous sommes en IOE (Investigation d'Orientation Educative) demandée par le Juge des Enfants. Au début de l'enquête, le risque que l'on me retire l'enfant était majeur, le père réitérant à la fois ses plaintes pénales et le refus de demander et la résidence de l'enfant malgré ma "dangerosité" et même d'assumer le peu de droits réduits qu'il lui reste. Le plus surréaliste étant que tout mère dangereuse que je suis ... je suis depuis 6 mois maintenant, seul représentant légal de l'enfant, le Juge aux Affaires Familiales m'ayant, malgré l'expertise "sur avis motivé du père" (! ...) attribué l'autorité parentale exclusive !

Le père maintentant fait appel de la décision du JAF, maintient toujours sa plainte abusive en non présentation d'enfant, tout en continuant à ne prendre que peu son enfant sous prétexte de mon harcèlement. Et l'assistance éducative est toujours en cours devant le juge des Enfants ...

Je tiens donc à vous confirmer que la peur est justifiée. Ce qui me tient debout, c'est la patience et la certitude que face à de telles pathologies, la Justice finit pas se faire. Mais ... cela fait 6 ANS DEPUIS LA SEPARATION ! Après 12 ANS DE VIE COMMUNE où je n'ai pas cessé, chaque jour, de me poser la question lancinnante "comment partir, où aller, quelles seront les représailles, les risques pour l'enfant ?"

Pour l'instant, les risques, j'y suis en plein. Plus de famille, plus d'amis, plus de travail, plus de mari ou de concubin stable autre qu'hommes mariés se devant d'être discrets, menace permanente sur mon logement, sur mon statut d'individu au sein même de la société, de mon statut de mère, dépression, maladie.

Le tableau pourrait sembler noir. Pas tant que cela. En réalité, je remonte la pente depuis le jour de la séparation. Malgré la peur (à ne pas confondre avec l'angoisse), malgré le désespoir (à ne pas confondre avec la dépression), malgré ma colère (à ne pas confondre avec la violence), malgré mes renoncements (à ne pas confondre avec l'évitement).

Grâce à l'infrasture sociale, qui permet en France, aux femmes, aux enfants, aux exclus, de survivre, même dans des conditions de précarité. Aux médecins, qui m'ont toujours soutenue. Aux travailleurs sociaux, qui malgré parfois des maladresses, font un remarquable travail de terrain. Grâce à différents avocats, sous Aide Juridictionnelle Totale, qui GAGNENT. Grace aux magistrats, qui malgré la difficultés des décisions qu'ils ont à rendre, rendent la Justice de façon réellement engagée.

Aujourd'hui, il ressort que l'enquête (qui dure 6 mois) révèle le comportement pathologique et fait enfin ressortir de ce méli-mélo, l'agresseur et l'agressée. Il ne faut pas oublier la difficulté pour autrui de comprendre la complexité des interactions, et surtout LE PARADOXE qui est l'arme utilisée dans la communication.

De seule mise en cause, je me retrouve aujourd'hui, face à un ex-conjoint LUI AUSSI mis en cause ! Il ressort bel et bien que la violence qui dure depuis 6 ans, et dont on ne parlait au départ qu'entre conjoints, glisse maintenant vers un statut plus trouble de maltraitance psychologique à l'enfant, par maintien d'un conflit tellement rigidifiée, qu'il m'est tout simplement impossible de communiquer, sous peine de déclencher un procès !

Le risque de placement semble écarté. Aujourd'hui, l'enquêteur va sans doute orienter son rapport vers une AEMO judiciaire, ce qui serait une excellente idée.

Cela dit, il m'a fallu admettre d'être un parent sous contrôle judiciaire, pour le bien de mon enfant, parce que ce que l'on me reproche aujourd'hui à mots couverts est d'avoir été incapable de protéger mon enfant de la violence active. On appelle cela la violence passive. Mais ... malgré la remise en cause nécessaire qui permet de sortir du statut de victime, une victime DOIT être nommée en tant que telle ET JAMAIS culpabilisée ou assimilée à l'agression.

Mais là, il y a encore du travail. Je vais devoir, probablement, retirer la seule plainte que j'ai réussi à maintenir (j'ai retiré une plainte pour violence et une autre pour tentative d'homicide !) celle de "dénonciation calomnieuse". Pour montrer ma "bonne volonté" à sortir - selon les termes de l'enquêteur - de la "logique conflictuelle" !

Avec pour corrolaire également : "madame, dans l'intérêt de votre enfant, seriez-vous prête à "lâcher prise" et à accorder que l'on réattribue un droit de visite classique au père ?" La réponse étant ... NON !

Ne serait-ce que pour respecter la douleur d'une enfant qui a fini par être contrainte de demander à être entendue à 10 ans par un magistrat qui a pris sa parole très au sérieux.

Ne revenez JAMAIS sur les acquis ! Et bon courage !

emge@laposte.net

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