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Message ou FAQ

 

Brisez le silence !

Email en pied de message.
Septembre 2002

Bonjour,
Bien qu'ayant plus de trente ans et mere de trois enfants, je continue de m'inquieter quotidiennement pour ma propre mere, de meme que je me reveille encore la nuit, prise de cauchemards terrorisants impliquant mon pere.
Depuis 40 ans, ma mere vit dans un climat de violence verbale, psychologique, et physique. Ce climat, je le connais bien puisque jusqu'au jour de mon depart de chez mes parents (a 20 ans) j'ai vecu dans ce climat horrible de cris et de coups (de la part de mon pere), et j'en ai moi-meme ete la victime.
Mon pere repond a la definition classique des hommes abusifs qui souhaitent tout controler. Tout d'abord, cela a commencer financierement (mon pere est depuis toujours l'unique proprietaire de son modeste compte cheque), ce qui fait que ma mere a toujours ete dependante financierement.
Il y a une 20 aine d'annees, ma mere a commencer a effectuer quelques heures de travail saisonnier par semaine, pas grand chose, seulement 4 heures. C'etait une enorme prise d'INDEPENDANCE pour elle, car elle lui adressait le message qu'elle pouvait gagner un peu d'argent pour ses propres besoins (en fait, cet argent etait investit pour nos besoins divers et modestes a tous... j'ai 5 freres et soeurs) Mon pere entrait dans une rage folle (verbale et physique) a chaque fois qu'elle revenait de son travail (a ses propres yeux, il perdait de son pouvoir et et de son autorite a l'egard de ma mere).
L'autre forme de violence que ma mere subit depuis bientot quarante ans elle celle qui laissera des traces indelibiles, pour toujours, meme apres le jour ou elle aura decider de quitter mon pere : la violence psychologique.
Le terme violence est bien trompeur, car en fait, il s'agit d'un conditionnement psychologique progressive ( "lavage de crane"). A force de se faire entendre qu'elle est "une bonne a rien", une "incapable", une paresseuse, elle dispose d'un "self-estime" tres diminue. Tout ce qu'elle fait dans sa vie, le plus petit de ses gestes quotidiens est guide par l'idee d'eviter de mettre mon pere en colere.
La derniere forme de violence dont elle est toujours la victime est celle physique. La semaine derniere, j'ai recu un appel telephonique d'une de mes soeurs qui m'annoncait que ma mere avait ete frappee si violemment qu'elle avait une enorme "coquard" (c'est une des rares fois ou il a oublie de ne pas laisser de traces trop visibles). Il l'avait apparement plaquee a terre et lui avait coincee (cogne?) la tete contre une porte et il s'est seulement arrete quand le bas de la porte s'est casse. N'allez surtout pas croire que le bris de la porte lui a fait prendre conscience des ses gestes deplaces, non ! Il s'est simplement arrete de frapper ma mere a cause des degats materiels qui en resultaitent. Je connais deja la suite de l'histoire pour l'avoir vecu sous ses propres mains : il passera les prochains jours a dire a tout le monde que ma mere a casse la porte ! (il y a bien des annees de cela, il m'a fait passe au travers d'une porte vitree qui a alors volee en eclat, ou encore, arme de couteaux avec lequel il nous menacait de nous enventer ma mere et moi-meme, il a essayer de defoncer la porte de ma chambre dans laquelle nous etions refugiees. Il n'a cesse son acte de folie que lorsque la porte s'est en partie defoncee sous l'impacte que son corps avait provoque contre la porte bloquee par mes soins, par une chaise.
Le triste constat est qu'il n'y a que le cote materiel qui le reveil de ses crises de violence, sinon, elles n'ont pas de limites !
C'est la raison pour laquelle je crains pour la vie de ma mere au quotidien et que depuis toujours que mes freres et moi-meme l'incitons a quitter notre pere.
Elle sait qu'elle serait la bienvenue chez la plupart d'entre nous qui pouvons nous permettre de l'accueillir, mais elle refuse d'etre dependante de nous... (faut-il la kidnapper ??!! meme si nous le faisions, elle retournerait au domicile conjugal ou bout d'un moment, il faut que la decision vienne d'elle-meme)
Apres les coups portes par mon pere la semaine derniere , pour la premierer fois de sa vie, ma mere est allee voir un medecin qui a ecrit un constat, qu'elle est ensuite allee porter a la gendarmerie en meme temps qu'elle deposait sa plainte.
Il lui aura fallu 40 pour faire cela !
Pour moi, c'est un debut dans sa prise de conscience. (cela fait des annees que nous l'incitons a le faire, mes freres et soeurs et moi-meme).
Ma mere s'est progressivement habituee a vivre dans ce climat de peur et de violence physiques inflige par mon pere (lorsqu'elle se "rebelle", il frappe !) et jusqu'ici, elle n'arrivait pas a voir l'anormalite de sa situation, ou plutot, elle la voyait mais n'osait pas faire le premier pas humiliant (a ses yeux) d'oser porter plainte... probablement que le fait d'habiter une petite ville de campagne ne facilite pas la demarche non plus...
A toutes les femmes qui lisent ce message, sachez que toute violence psychologique ou morale au sein d'un couple N'EST PAS NORMALE et ENCORE MOINS ACCEPTABLE !
A lire les temoignages de toutes les femmes qui ont prises conscience de leur situation et surtout, de celle qui s'en sont sorties, cela me permet de garder espoir pour inciter ma mere a en faire de meme. Je lui ferai part de tous vos temoignages, ce qui lui permettra de comprendre qu'elle n'est pas seule dans sa situation.
Aux femmes qui liront ce temoignage, je n'aurai qu'un seul mot pour conclure : ne soyez pas embarassees par votre situation ; brisez le silence autour de vous ! C'est le premier pas de votre prise de conscience, mais c'est aussi une protection pour vous. Egalement, profitez de toutes les aides psychologiques et financieres qui vous sont offertes pour vous en sortir (SOS femmes peut vous orienter) et ne restez pas la victime silencieuse. La nature a dotee les femmes d'une capacite de survie sans egale ( du fait de leur capacite maternelle )et aucun homme n'a le droit d'en abuser jusqu'aux limites extremes ; encore moins leur conjoint ou leur epoux !

J'accepte d'avoir mon adresse e-mail personnelle en bas de mon temoignage, a la condition que la personne responsable de la saisie sur l'ordinateur prenne bien garde de changer celle existente pour : email supprimé à la demande de l'intéressée
Je vous remercie de bien vouloir prendre cette demande en consideration, et vous felicite de vous occuper ainsi des femmes en difficulte qui ont bien besoin d'un soutien. Longue vie a votre association.

-oOo-

Mars 2006

Je vous contacte aujourd'hui afin de vous demander de retirer mon adresse e-mail de l'article numero 44 "Brisez le Silence!" que vous avez gracieusement publiez il y a quelques annees. Je souhaite en revanche conserver mon pseudonyme de Olympe dans l'article, ce qui ne me gene pas du tout.

Votre site a enormement evolue depuis que je vous ai adresse mon temoignage, et je vous en felicite.

Pour vous donner brievement des nouvelles de ma mere, qui a l'epoque de mon temoignage venait de porter plainte a la gendarmerie apres une agression de trop au bout de 40 ans d'abus, elle reside toujours avec mon pere... Il y a une logique que mes freres et soeurs et moi meme avons bien de la difficulte a comprendre...Mon pere a ete condamne a suivre une therapie, et a eu une peine de prison avec sursis (au prochain debordement physique, il tirera une peine ferme). Une de mes soeurs s'est beaucoup engagee emotionnellement et psychologiquement en faisant une deposition aupres d'un gendarme montrant beaucoup de compassion a l'egard de la situation, de ma mere et de ma soeur, mais je la sens decue tout autant que moi par la reaction passive de notre mere face a la situation. Personnellement, habitant l'etranger, ma deposition n'a pas pu etre retenue (j'avais pourtant presume que je pourrai faire une deposition dans un consulat ou une ambassade....?) et j'aurai tant souhaite apporter mon temoignage, qui je pense aurait pu allourdir sa peine, ou tout au moins, aurait force mon pere a revivre beacoup des actes de violence -dont j'ai ete temoin et victime- racontes par une tiers personne au tribunal... Bref, le resultat suite a la plainte posee par ma mere aura ete qu'elle n'aura pas assistee au jugement et qu'elle aura recue le resultat de la bouche du gendarme qui avait receuilli les depositions. Quelques heures apres son jugement, mon pere est revenu au domicile conjugal, ou m'a mere reside toujours. Et c'est tout!! En tous les cas, c'est ce que ma soeur qui a temoigne et moi meme ressentons. Comment est-ce possible pour notre mere de supporter 40 ans d'abus physiques et psychologiques et de se satisfaire d'une simple claque sur la main de son tortionnaire, ce qui semble l'equivalent de dire:"attention, hein! si je tu es repris a faire cela, tu seras vraiment puni cette fois ci!"

Je ne veux pas dire par la que la justice n'ait pas bien rendue son verdict face a la situation, et qu'il ne faille pas porter plainte, non , bien au contraire! Encore une fois, il faut briser le silence, et porter plainte. Ma mere a malheureusement choisie de rester a vivre avec mon pere- au grand desespoir de mes freres et soeurs et de moi meme- estimant que notre pere etait plus calme depuis qu'il suivait sa therapie (elle ne se rend pas compte des abus psychologiques qu'elle subit encore, ce qui est autant d'agreassions repetitives sur sa personne...la violence physique n'est peut etre plus la, mais les abus psychologiques continuent)Je suis certaine que ma mere doit maintenant penser que si elle avait su, elle aurait du porter plainte au tout debut des actes de violence conjugale dont elle aura ete la victime il y a plus de 40 ans, si elle avait su alors que ca aurait ete la seule chose qui aurait pu stopper mon pere!Et c'est la qu'une association comme la votre a le merite d'exister: pour faire passer le message a toutes les femmes et les hommes victimes de violences conjugales qu'il y a un reseau d'aides diverses existant(psychologiques, financieres, materielles, etc...)pour qu'elles s'en sortent, et qu'il ne faut pas hesiter a faire valoir ses droits en tant qu'etres humains a part entiere. Se taire, c'est etre victime une seconde fois!

Ces dernieres annees, j'ai decouvert quelque chose de commun a la majorite des victimes de violences conjugales, et je pense que cela explique la reaction que je qualifie injustement de "passive" de la part de ma mere face au jugement en correctionnel de mon pere. Je me suis souvent interrogee par rapport au fait que les victimes de violences conjugales attendaient si longtemps avant de quitter la personne abusive. Je me suis apercue finalement que pour une victime de violence conjugale, partir c'est faire face a un inconnu qui fait encore plus peur que le bourreau qu'on a en face de soi ou a ses cotes au quotidien. Quelqu'un de violent, on arrive a predire ses reactions, ses gestes, et ainsi a "diminuer les degats" lorsque la violence eclate. Mais partir, tout quitter pour recommencer our une autre vie c'est encore plus effrayant que de rester, surtout lorsqu'on a un self-estime diminuer par des mois ou des annees d'abus psychologiques, et/ou losrqu'on n'a pas d'independance financiere... Qu'en pensez-vous?

La encore, votre association est la pour encourager les femmes et a les assister. J'espere que le sujet de la violence conjugale deviendra un jour un sujet non-tabou en France, comme partout ailleurs, afin d'eradiquer au mieux cette violence qui malheureusement continuer d'exister dans certains couples.

Merci encore de supprimer mon adresse e-mail dans l'article 44, et merci d'etre la pour les personnes qui en eprouvent le besoin et/ou la necessite.
Olympe

Bonjour,
Pour répondre à votre question, je ne peux que signifier mon accord : on sait que des années de violence ont pour effet de détruire l'estime que la victime a d'elle-même ; on sait aussi qu'elle finit par croire à sa responsabilité au moins partielle (l'agresseur reportant souvent explicitement la sienne sur elle, autrement dit il fait croire à la victime qu'elle est responsable de ce qui arrive). Si on ajoute à cela les questions matérielles et l'absence d'autonomie financière (quand il n'y a pas en plus la question des enfants mineures, la pression de la famille, etc.), la décision de la séparation est difficile.
Ceci étant dit, cela n'est pas tout : pour difficile que ce soit, c'est un choix et chaque adulte en pleine possession de ses moyens est responsable des choix qu'il fait ... En ce sens, votre déception et celle de votre soeur sont bien compréhensibles.
Cordialement,
Yves Lambert

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