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Message ou FAQ

 

Mea culpa

Juillet 2014


Bonjour,
Ce n'est ni en qualité de victime ni en qualité de témoin que je me permets de vous adresser ce message mais en tant qu'auteur d'une agression physique grave sur la personne de mon ex-amie que je me permets de vous contacter.

Voilà un peu plus de 9 mois, je me rendais coupable d'une agression avec arme blanche à l'encontre de la femme qui partageait alors ma vie. Cela s’est passé chez moi, le matin au réveil, dans ma chambre, le dimanche 15 septembre 2013. Mon fils de 16 ans était alors réveillé et déjeunait dans le salon.

Mon ex-amie n'a pas voulu porter plainte contre moi, pour mon fils a-t-elle alors précisé. Elle me fit part cependant de son désir de faire une main courante, de laisser une trace de mon agression à son encontre mais à la seule condition que celle-ci ne me fasse pas courir le risque de finir en prison car, au moment des faits, j'étais encore sous le coup d'une condamnation de prison avec sursis assortie d'une mise à l'épreuve. Nous ne partagions pas le même toit. Bien que nous fréquentant depuis plus d'un an et demi, elle me faisait savoir 2 jours avant le drame être enfin certaine pour nous deux. Une semaine après ce jour que je n'aurai jamais voulu lui avoir fait connaître elle me faisait savoir qu'elle s'en voulait d'avoir était si longtemps indécise, s'en voulait d'être violence, m'en voulait de ne pas avoir su lui laisser encore quelques jours pour lui permettre de régler seule, définitivement, un histoire qui l'empêchait d'être totalement avec moi, m'en voulait d'avoir brisé l'espoir qu'elle avait mis en moi.

Plusieurs fois je lui ai demandé de déposer plainte contre moi ; verbalement, le jour même de l’agression, le lendemain, par texto, il y a un peu plus de deux mois, en lui adressant une lettre d’excuses dans laquelle clairement je reconnaissais les faits, mon entière responsabilité, son statut de victime.

A sa demande et très rapidement après l'agression nous avons été en contact.
Elle voulait me faire savoir combien pour elle cela avait été choquant, violant.

Elle voulait me faire prendre toute la mesure de la gravité de ce que je venais de lui faire vivre et pour autant, sans être dans le dénie, ayant clairement en mémoire son regard horrifié lorsque sur elle je la menaçais avec le tesson d'un verre qu'elle venait de casser afin qu'elle écoute ce que j'avais à lui dire, j'avoue qu'avant qu'elle mette ses propres mots dessus, je n'en avais pas encore pris toute la mesure.
Elle voulait savoir qui était cet homme qui l'avait agressé, qu'elle aimait, à qui elle s’était donné.

Elle voulait savoir si elle pouvait encore me fréquenter, me faire confiance.

C'est toujours à sa demande par la suite que nous nous sommes revus à plusieurs occasions. J’ai accepté toutes ses sollicitations, toutes ses demandes de rencontre, tous ses appels quel-qu'en soit le motif, quelle-qu'en soit l'heure. Coupable d'un acte atroce à son encore, je ne me permettais pas de la solliciter, je ne me reconnaissais pas le droit de lui refuser quoi que ce soit. J’étais très amoureux d’elle aussi, je gardais espoir, un espoir fou porté par des mots que deux jours avant l'agression elle m'avait adressé, des mots qui disaient qu'elle savait, que c'était sûr, que c'était avec moi qu'elle voulait être, un espoir fou que deux jours plus tard, dans ma chambre, je flinguais en plein vol.

A vouloir faire renaitre l'amour qu'elle avait pour moi, à ne pas savoir donner du temps au temps, à vouloir être trop présent jusqu'à m'immiscer, à ne pas savoir être plus à son écoute même dans ses silences, à me rendre compte que trop tardivement que les situations ambivalentes qu'elle me faisait vivre, empreintes d'indécisions, de mot durs, étaient des pas qu'elle faisait vers moi entravés de ses propres difficultés d'après ce 15 septembre d'être avec moi, ses propres difficultés à me donner une place dans sa vie, à ne pas pouvoir supporter qu'elle n'ait pas déposé plainte ce qui pour moi revenait et revient encore aujourd'hui à ne pas lui donner toutes les clés de sa reconstruction, tous les pas qu'elle a fait vers moi durant les presque 9 mois qui ont suivis ce triste matin, je crois les avoir inconsciemment menés à la destruction et plus j'y pense et plus je suis persuadé, plus je me persuade, je ne sais, que c'est dans le seul but de me retrouver face à la justice car, pour moi, il m'était, il m'est impossible de supporter qu'elle ait pu sacrifier sa reconstruction pour m'éviter la prison.

Me présenter à la justice, avouer mon délit, cela me semble nécessaire, d'une part pour le bien-être de mon fils pour lequel je suis plus qu'inquiet des traumatismes que cela peut immanquablement lui avoir laissé même quand il me dit qu'aujourd’hui ça va, qu'il est heureux. Comment ne pas être inquiet alors que le jour même de l’agression il m'a dit avoir regretté ne pas être intervenu, que récemment il m’a avoué avoir eu du mal dans sa scolarité suite à cet évènement tragique, alors que je le sens dans la fuite. Aussi, l'ai-je souvent invité à s'occuper de lui via des personnes dont c'est le métier - ce qu'il fait me dit-il en passant du temps avec ses copains, en vivant sa vie d'ado, moments que certainement je gâche un peu beaucoup en l'invitant, l'incitant à mettre des mots, ses mots sur cette sombre histoire - qu'il parle, qu'il mette des mots sur ce qu'il a vécu, qu'il se débarrasse de poids qui ne lui appartiennent pas. J'ai peur pour lui que l'histoire qu'enfant j'ai vécu, que j’avais sans m'en rendre compte enfoui dans ma mémoire, qui c'est violemment rappelée à moi un jour, que le silence de cela m'a peut être mené là où j’en suis aujourd’hui, ne se répète pour lui. J'ai peut-être trop peur. J'ai peur de l'étouffer, de lui faire porter mes propres peurs, de l'avoir déjà fait. Je ne sais plus rien. J'ai peur de l'enfermer dans une logique de refus du couple, de la vie d'adulte, une logique destructrice.

J'ai toujours dit à mon fils que faire une bêtise cela arrive et qu'en faire sciemment c'est en accepter aussi les conséquences. Je lui ai également dit que faire consciemment du mal à une personne, c'est de la méchanceté gratuite aux conséquences qui peuvent être très douloureuses. Par ailleurs, si cela est inconsciemment fait et que l'on prenne conscience de la blessure faite à l'autre, c'est alors faire ce qu'il faut pour, autant que faire ce peut, alléger la souffrance qui en découle en reconnaissant le mal fait, l'intensité de la blessure par l'autre ressentie. C'est avec cette logique là que, dans l'affaire qui me mena début 2012 devant la justice et pour laquelle je fus condamné à du sursis avec mise à l'épreuve, et parce que je ne pouvais me conduire à l'inverse de ce que je disais à mon fils, parce que je suis comme ça tout simplement, qu'aussitôt le délit commis, je me présentais à la police pour en faire savoir ma responsabilité pleine et entière, pour en faire reconnaître le statut de victime de la personne qui avait alors eu à souffrir de moi. Me présenter à la justice pour l'agression perpétrée sur mon ex-amie me semble dés-lors plus qu'incontournable pour que mon fils puisse vivre une vie sans une épée de Damoclès au-dessus de la tête.

J'ai souvent eu peur d'être trop insistant, de ne pas respecter son mutisme, son timing. J'ai souvent eu peur de ne pas être suffisamment insistant. Il y a peu, nous avons débuté ensemble, tous les deux, une thérapie familiale. Avant de rentrer en seconde séance de cette thérapie, par crainte de lui avoir trop forcé la main, qu'il ait accepté de venir par reddition, je lui ai dit qu'il pouvait tout arrêter s'il le désirait, qu'il n'avait qu'à le dire au cours de la séance. C'est en fait tout le contraire qu'il a dit. Nous avons donc pris un autre rendez-vous pour une autre séance et peut être d'autres encore. J'ai moins peur. Aujourd'hui, avec des relations récentes un peu plus âgées que lui, il me dit être dans la parole, faire la découverte de l'échange, y trouver de l'intérêt, y prendre plaisir.

D'autre part, me présenter à la justice me semble être la seule solution pour mon ex-amie qui a eu à subir ma violence, une violence inexcusable, impardonnable même si moi-même j'ai eu à subir ses violences, parfois verbales, abaissantes, humiliantes, parfois physiques. Cette dite violence, celle de mon ex-amie - je parle ici de violence car c'est ce que ma psy m'a renvoyé - je ne les ai jamais vues comme de la violence, je les ai toujours comprises et intégrées comme des répliques de la construction d'une petite fille qui, brimée par ses camarades pour sa différence, frustrée, n'avait d'autres choix que de retourner ses petits poings, ses colères, contre les gens qui l'aimaient le plus, qu'elle savait qu'ils l'aimeraient quoiqu'il en soit ; ses parents en l'occurrence à l'époque, moi quand nous étions ensemble, je crois avoir compris. C’est aussi ce qui fait qu’elle est ce qu’elle est, celle vers laquelle en partie je suis allé, un pan de sa personnalité qui m’a fait m'approcher d'elle d'aussi près, avec autant de désir d'elle. Quand ma psy m'a renvoyée à la notion de violence pour décrire ses agissements, je n’ai pu, de par sa vie d'enfant née avec un handicap, déclarée attardée mentale qui plus est, enfant innocente qui a dû se battre pour exister et devenir ce qu'elle est aujourd'hui, enfant aux parents qui, par amour pour elle, pour lui éviter une vie dans un centre spécialisé, pour qu’elle ait une vie « normale » d'enfant comme les autres, de personne à part entière, ont contraint l'éducation nationale à l'accepter dans une filière « normale » tout en sachant que pour elle se serait difficile d'intégration et qu'ils auraient à en accepter les conséquences, je n'ai pu, je ne peux toujours pas considérer sa violence autrement que comme compréhensible, acceptable, excusable et même pardonnable. Je ne me suis jamais arrêté à sa « violence », je n'y ai jamais vu de « violence ». Il n'est pas ici question de misérabilisme de ma part ni même de compassion mais plutôt d'une admiration certaine et d'un grand respect pour la personne qu'elle est. Il est aussi question d'une forte empathie, du moins je le crois mais en doute aussi, ne sachant que faire aujourd'hui.

Il n'est ici absolument pas question de me dédouaner de ce que je lui ai fait, ni de relativiser le mal que je lui ai fait.

Si j'adhérais à certains sons de cloches je pourrais me dire : ’’après tout, elle n’a pas voulu porter plainte, c’est son choix, ça la regarde, c’est sa vie, c’est la vie’’, tourner les talons et me dire ’’ça passera, elle s’en remettra’’ mais, de cela je ne suis pas capable, je ne le peux pas, ce n’est pas moi pas plus que je ne suis, je ne veux être, sans pour autant me dire meilleur, je ne veux être de ceux qui lui ont fait du mal et qui, sans se retourner sur le mal qui lui ont fait, l'ont laissés se reconstruire comme elle peut, avec ses traumas, sans se poser la question de savoir quelles conséquences leurs gestes ont eu sur elle, sur sa vie d'aujourd'hui, sur sa vie future.

La psy me dit de m’occuper de moi, de ne pas me présenter à la police car j’y risque la prison, qu’il me faut penser à mon fils, que c'est une grande fille, qu'elle doit faire son chemin de son coté. Des amies communes, informées de ce qui s'était passé, m’ont renvoyé qu’à force de mener à bout ses compagnons, cela devait lui arriver, qu’elle l’avait certainement mérité. Ce peu
de bienveillance pour cette femme qui s'est construite dans un monde pour elle violent, qui ne peut être elle même - même si j'en suis sûr qu'elle combat cette fatalité - que empreinte de cette violence dans ses rapports aux autres, cette absence de compréhension de cela, ce peu d'ouverture à l'autre me sont insupportables. Me présenter à la justice, même si mon ex-amie m'écrivait peut de temps après l'agression que « La justice française ne soigne pas la souffrance », me semble dés-lors incontournable pour que cela puisse l'aider à se (re)construire, puisse lui apporter toutes les clés utiles à sa reconstruction, clés qu'elle aura alors loisir d'utiliser.
Mon courrier d'avril, la dégradation de notre relation en grande partie de mon fait, son questionnement de fait compréhensible quant à la véracité et l'efficacité de mes démarches pour comprendre mon geste et la protéger d'une éventuelle récidive ne l'ont pas conduite à porter plainte. Aujourd'hui, m'ayant adressé un « adieu » suite à ma proposition de mettre fin à nos, mes difficultés d'être ensemble et pour cela de disparaître de sa vie, la débarrassant du coup du mal que je suis pour elle, incapable que je suis de la savoir en souffrance, suis-je aujourd'hui en droit de m'imposer dans sa vie même si cela est par le biais de la justice, de déranger son éventuel actuel bonheur, ne serait-ce celui que d'avoir franchi ce pas jusque là infranchissable pour elle de me sortir de sa vie – elle s'était à chaque fois violemment manifestée lorsque je lui proposais de prendre pendant un temps quelques distances -, même si cela est pour lui donner la possibilité de se reconstruire ou dois-je laisser les choses en l'état, ne rien faire et, peut-être, ainsi l'abandonner aux cotés de ces femmes qui vivent avec, pour seconde agression, pire que l'agression elle-même, le déni, la non reconnaissance par l'auteur de leur statut de victime, l'impossibilité dés-lors pour elles de passer à autre chose.

Vous qui recevez des femmes, des enfants qui ont eu à souffrir directement ou indirectement d’agresseurs intimes, dites-moi si cela peut être une décision aidante pour mon fils, pour mon ex-amie ou si au contraire je suis en plein délire.

L'avoir agressé, avoir accepté qu'elle ne veuille porter plainte, être amené à vous consulter pour connaître la légitimité de mon désir de me présenter en tant que son agresseur, sont pour moi des souffrances qui me sont insupportables dans ce monde où le chacun pour soi se veut semble-t-il être la seule règle jouable.

C'est une femme vraiment merveilleuse, aidez-moi, je ne veux plus lui faire de mal.

Merci de m'avoir lu. C'est un bel espoir que vous offrez à toutes celles, et ceux aussi, qui souffrent et trouvent sur votre site, si ce n'est une réparation, une écoute attentive, un espace pour faire entendre leurs souffrances.

Bien cordialement.


Bonjour,
Je vous conseille vivement d'apprendre à accepter les raisonnements et les décisions des autres même si vous pensez, que pour leur bien éventuellement, il faudrait agir autrement.
Votre ex petite amie semble ne plus vouloir être en rapport avec vous et vous devez respecter sa décision ; elle ne vous demande pas de plaider coupable ; elle ne souhaite pas prendre en compte votre méa-culpa et je ne vois donc pas l'intérêt de vous constituer vous-même juridiquement comme coupable car, coupable, vous l'êtes de toutes façons puisque vous l'avez blessée à l'arme blanche.
Dites vous bien que vous ne maitrisez pas tout et comprenez que même une condamnation n'effacerait votre acte et votre culpabilité.
Maintenant, c'est à votre ex petite amie de décider ce qu'elle fera finalement car elle a encore le temps de vous poursuivre en justice et le procureur aussi!
Quant à votre fils, ne pensez pas non plus à sa place et d'ailleurs, il me semble assez mature puisqu'il souhaite continuer( il vous l'a dit à votre grande surprise) la thérapie familiale.
Cordialement,
Chantal POIGNANT
Agent de conseil
SOS Femmes Accueil
2, rue Saint-John Perse

F - 52100 Saint-Dizier


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