[page d'accueil] [retour messages, FAQ et réponses] | @

Message ou FAQ

 

Je tremble pour ma fille

Email en pied de message
Novembre 2009

Bonsoir,
Je viens de regarder le débat de France 2 intitulé : Viol, la parole aux victimes, et ai décidé de vous envoyer mon témoignage dans le but de me libérer l'esprit et d'etre conseillée.
J'ai 26 ans, et ai été victime d'une agression sexuelle à l'age de 13 ans.
Tout s'est déroulé lors d'une manifestation sportive où je m'etais rendue en famille. Je jouais avec ma soeur, agee de 10 ans à l'époque, dans un grand parc de ma ville, et sans surveillance, mes parents ayant retrouvé des amis.
J'ai été abordée par un homme d'une cinquantaine d'années (en tout cas c'est l'age que je lui donnait du haut de mes 13 ans !), puis emmenée de force dans les toilettes publics du parc.
A cet instant, il répétait sans arret que si je criai ou essayai de partir, il tuerait ma soeur ! Je n'arrivais pas à bouger, mon esprit voulait partir mais mes pieds étaient cloués au sol.
Je pleurais énormément.
Il a commencé à me caresser le visage, les cheveux, en me disant que j'étais très jolie, puis, ses mains se sont baladées sur tout mon corps, par dessus mes vetements, jusqu'à mon entre jambe, ou malgré mes débattements, il a baissé suffisament ma culotte pour me toucher le sexe et me pénétrer avec ses doigts.
Je me souviens de la douleur que j'ai ressenti à ce moment là, je fermais les yeux pour ne pas avoir à le regarder.
Il me disait sans cesse que j'aimais ca, que je l'excitai.
Il a baissé son pantalon en m'agripant par les cheveux, et a introduit de force son sexe en érection dans ma bouche, je serrai les dents du plus fort que je pouvais mais il y ait parvenu tout de meme.
J'avais envie de vomir, je le repoussais de toutes mes forces, du coup il s'est retiré et à continué en se masturbant. Il me disait de regarder l'effet que je lui faisais.
J'ai réussi à partir au moment de son éjaculation, J'ai couru sans me retourner, ai pris ma soeur, qui n'avait pas quitté l'aire de jeux, par le bras, et ai foncé dans la foule qui regardait la manifestation. j'ai dis à ma soeur de rejoindre mes parents et de leur dire que je rentrai à la maison (à l'époque je vivais tout pret de ce parc donc mes parents ne se sont pas inquiété), pour me laver et jeter ma culotte tachee de sang.
Après cet épisode de ma vie, j'ai mis énormément de temps à aller à l'école seule, ou tout simplement à sortir de chez moi.
Je ne l'ai jamais dit à personne. Il m'arrivait de penser à la mort ou bien de m'automutiler, de me faire du mal mais je n'ai jamais réussi à en parler (jusqu'à il y a 3 mois, à une seule personne, que je ne connaissais pas, et qui aujourd'hui est l'une des personnes les plus importantes de ma vie).
Et puis, c'est passé. Les circonstances de la vie ont fait que nous avons déménagé, et j'ai continué ma vie d'ado, et mon cerveau à comme zappé cet épisode.
J'ai mené une vie d'ado perturbée, dans le sens ou j'avais une haine envers les hommes, je ne pouvais pas avoir de petit ami, ne supportai pas que l'on me touche ou etre parmis la foule !
J'ai eu mon premier rapport sexuel à l'age de 20 ans (et sous forte emprise d'alcool, sinon je pense que je n'y serai jamais arrivée) et suis toujours avec cet homme, qui partage ma vie et qui est le pere de ma fille.
Aujourd'hui adulte, j'ai toujours un regard négatif sur l'homme et ne supporte pas le regard des hommes sur moi, ou etre dans la foule, ni meme etre touchee.
Cependant, je mène une très belle vie. J'aime la vie et n'ai plus du tout d'idées noires, etc Ni mon conjoint, ni mes parents ou ma soeur ne sont au courant de ce qu'il s'est passé et je ne souhaite pas leur dire.
J'ai réussi à dire mon secret à une seule et unique personne, et je pense que cette démarche à fait remonter des détails que j'avais oublié, etc, et que c'est suffisant pour ne pas que j'en souffre.
Je souhaite connaitre votre avis.
Le débat que j'ai vu m'a ouvert les yeux sur certains points, d'ou ma démarche vers vous.
J'espere avoir de vos nouvelles.
Cordialement.
AP

Bonjour,
Quel dommage que vous n'ayez pu, à l'époque, vous confier à vos parents car il aurait été peut-être possible de retrouver votre agresseur et, si aujourd'hui vous avez toujours la possibilité de porter plainte, il sera difficile de mener une enquête mais, malheureusement, votre réaction de fuite et d'enfouissement voire de négation et de dissimulation du choc subi correspond à celle de la majorité des victimes et encore plus quand ces victimes sont des enfants.
Vous donniez l'impression d'avoir "surmonté" votre agression ou plutôt vous estimiez avoir plus ou moins surmonté l'agression (en vous-même, puisque vous n'en aviez parlé à personne) ; or, la plupart des professionnels qui travaillent sur ce problème savent que les victimes risquent toujours de "régresser" et de manifester des symptômes lorsqu'elles sont confrontées à un stress important ou exposées à des évènements qui peuvent leur rappeler directement ou symboliquement l'abus sexuel dont elles ont été victimes à l'origine.
Le débat d'hier soir a ravivé vos souvenirs et a mis en lumière certains symptômes que vous aviez jusque là plus ou moins bien gérés (anxiété, auto-mutilation, phobies...) ; j'ai l'impression que vous craignez surtout que le difficile équilibre que vous avez acquis s'écroule suite à la reviviscence du passé et ce malgré votre grand appétit de la vie. Finalement, il semblerait que par dessus tout vous avez peur d'une angoisse que vous avez pu jusque là contrôler, bon gré mal gré, sauf évidemment au moment du viol...
Vous percevez intuitivement une possible fragilité qui vous effraie parce que cette angoisse peut se réveiller et mettre en danger ce que vous avez construit, vous qui êtes parvenue à fixer des objectifs en termes positifs, à les poursuivre et à retrouver suffisamment confiance en vous pour fonder votre famille ; vous qui avez réussi à avoir une idée positive du futur, de façon à ne pas vivre en fonction de l'abus sexuel que vous avez subi enfant ; bref, vous avez peur que cette vie satisfaisante vacille sous la résurgence des souvenirs, que vous ne pourriez pas maîtriser.
Personne n'est évidemment à l'abri d'une "rechute", d'une dépression, mais on peut considérer que vous avez acquis une capacité à réagir de façon adaptée aux phénomènes de stress, puisque vous êtes parvenue de mieux en mieux à limiter progressivement vos symptômes et donc à les contrôler.
Votre réaction suite à l'émission d'hier semble présager d'une certaine intégration du traumatisme.
Cependant, il est toujours possible que vous ayez besoin un jour d'un soutien thérapeutique spécifique dont, j'espère, vous ne vous priverez pas, puisque vous êtes suffisamment lucide justement sur les symptômes relatifs à un traumatisme sexuel.
Pourriez vous me donner l'autorisation de publier votre témoignage, anonymement ou avec une autre adresse, de façon à apporter des éléments de réflexion à d'autres personnes?
* http://www.sosfemmes.com/faq/email_anonyme.htm

Cordialement,
Chantal POIGNANT
Conseil

Bonjour,
Tout d'abord, merci pour votre réponse si rapide !!!
vous n'imaginez pas à quel point j'avais hate de vous lire !!!!
Bien sur vous pouvez publier mon témoignage, je n'ai jamais osé parler de ce qu'il m'est arrivé et depuis 3 mois, j'ai l'impression de faire un vrai travail sur moi en en ayant à une personne et désormais à vous.
Votre réponse m'aide beaucoup.
Aujourd'hui, une chose est sure, je ne porterais pas plainte, dans le sens où je n'ai pas regardé mon agresseur, je ne sais pas du tout à quoi il ressemblait, alors 13 ans apres... je pense réellement que ca serait trop dur pour moi de devoir faire cette démarche qui n'aboutira à rien.
Mais s'il m'était possible d'en parler via mail, avec d'autres victimes, ou même avec des professionnels comme vous je pense que cela pourrait m'aider à avancer.
Mon mail : lafeeclochett@laposte.net
Je ne souhaite pas faire de thérapie en face à face, car je n'arriverai pas à en parler de cette facon, la personne à qui je me suis livrée cet été communiquait avec moi par sms, d'où une facilité pour moi, je pense que sans ca je n'aurai pas pu lui en parler non plus.
Alors je vois bien que malgré toutes ces années et le fait d'avoir intégré cet épisode dans mon esprit, c'est toujours difficile d'aborder le sujet de vive voix.
Une réaction me fait peur : lorsque je vois un reportage à la télévision comme hier sur des victimes de viols, je suis à l'écoute et j'essaye d'apprendre sur moi, mais quand ce sont des reportages sur des pédophiles et où la parole leur ai donné, alors la, j'ai une réaction physique simple, je vomis, puis je prends une douche qui est tres tres longue, et je me met en colère, j'éteins la télévision et tremble comme une feuille. A chaque fois la meme chose !!!
Quant à ma fille, aujourd'hui agée de 4 ans, j'ai sans cesse peur pour elle, et je sais d'avance que l'adolescence sera très difficile pour moi vis à vis d'elle, j'ai peur de la surprotéger.
Pourtant lorsqu'elle est née, j'avais bcp de mal à la regarder, à la toucher, je ne sais pas si tout celà est lié, mais il est certain que cet épisode de ma vie a eu et aura encore des répercussions sur ma vie de femme et de mère.
Cordialement
AP

Bonjour,
Merci beaucoup pour cette autorisation.
La difficulté sera aussi pour vous de contrôler votre angoisse à l'égard de votre fille et je pense qu'il vous faudra là accepter une aide "thérapeutique" ; vous me dites que vous n'envisagez pas d'entretien en face à face mais peut-être que des méthodes de relaxation, de sophrologie, pourraient vous rendre de grands services en vous apaisant ?
Qu'en pensez vous ?
Car effectivement, votre enfant va ressentir votre anxiété, ce qui pourrait la fragiliser à son tour...

Cordialement,
Chantal POIGNANT
Conseil

Bonjour
Je suis d'une nature très impulsive et dynamique, j'ai fait de la sophrologie lorsque j'étais enceinte pour essayer de me détendre, mais je ne sais pas si ces méthodes seront réellement efficaces sur moi par rapport à mon vécu ?
Ce qui m'est pénible se sont ces cauchemars qui reviennent de plus en plus depuis que j'ai réussi à en parler !!!
Pour ma fille, je pense que j'arriverai peut etre mieux à "soigner" le probleme de comportement à son égard au moment de l'adolescence, non ? ne faut il mieux pas attendre ?
Je ne sais pas et je suis un peu perdue par rapport à ca, pour le moment elle ne le ressent pas trop je pense, mais en grandissant ...
Merci de vos réponses en tout cas, elles m'aident énormément.
Cordialement
AP

Bonjour,
S'exposer à des stimuli(s) sensoriels ou émotionnels très proches voire identiques à ceux qui existaient au moment du traumatisme est un "moyen"de provoquer sa réactivation avec toute la souffrance qui lui est associée.
Le docteur Louboff, psychiatre, explique :
"On peut se représenter la mémoire comme constituée de nombreux réseaux de neurones, chacun contenant des informations apparentées. L'activation d'un aspect, contenu dans un réseau, par exemple la peur, facilite le souvenir de tous les souvenirs qui lui sont associés. Or l'émotion semble être un signal très efficace pour le rappel d'informations dans ces réseaux associatifs. Ceci permet de mieux comprendre que de nombreuses victimes d'agressions sexuelles puissent vivre de manière satisfaisante tant que les émotions liées aux souvenirs traumatiques ne sont pas réactivées mais dans certaines circonstances, ces victimes peuvent ressentir et se comporter comme si elles étaient agressées de nouveau.
La peur n'est pas le seul stimulus de réactivation. N'importe quelle émotion liée à l'évènement peut devenir un signal de rappel des sensations vécues" (un sentiment d'intimité lié à la proximité physique par exemple, la honte, la culpabilité...)
Vous me dites "en avoir parlé" mais le développement d'un récit de l'expérience traumatique ne suffit pas pour tourner la page : il faut pouvoir intégrer cette expérience traumatique et c'est le travail thérapeutique avec un professionnel qui peut favoriser cette intégration !
C'est un véritable travail qui demande du temps et c'est pourquoi je vous conseille de ne pas attendre que votre fille soit grande...

Cordialement,
Chantal POIGNANT
Conseil

Bonsoir,
J'ai mis du temps à vous répondre, désolée, j'avais besoin de vous relire et de faire un point.
J'ai le sentiment de vouloir revenir en arriere, dans le sens où ca me fait peur d'avoir osé parlé de ma situation ... je culpabilise beaucoup et ai l'impression que ca ne va pas aller en s'arrangeant.
Quand je regarde ma fille ou mon conjoint, je n'arrive pas à imaginer leur parler de mon passé.
Je me dis que je devrais continuer ma vie en essayant d'oublier toute cette histoire mais le futur me fait peur.
Je n'ai vraiment pas envie de consulter ...
lafeeclochett@laposte.net

Bonjour,
Ah ! mais ce n'est pas avec votre fille et votre conjoint qu'il "faudrait" parler de votre passé pour élaborer le traumatisme mais avec un véritable professionnel, de façon à pouvoir apaiser les angoisses, qui reviennent.
Si vous pensez pouvoir gérer ces angoisses, vous n'avez pas évidemment "obligation" de consulter mais soyez "humble et lucide" et n'hésitez pas à demander du secours, quand ou si vous vous sentez défaillir !
Quand vous aurez besoin de consulter, même si vous n'avez pas envie, vous irez...
Cordialement,
Chantal POIGNANT
Conseil

[page d'accueil] [retour messages, FAQ et réponses] | @