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Je ne sais pas pourquoi je ressasse tout ça maintenant

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Mai 2009

Bonjour,
 
Tout d'abord merci à vous de laisser les personnes témoigner de façon anonyme. Pour ce fait, je ne tiens ni à dévoiler mon prénom, ni le lieu du viol.
 
J'ai actuellement 25 ans, je ne sais pas pourquoi je "ressasse" tout ça maintenant...Peut-être par ce que mon bébé grandit et que je souhaite le protéger ? Peut-être parce que j'ai été violée à l'arrivée des beaux jours, qui réapparaissent à cette période de l'année ? Peut-être parce que je commence à pouvoir en parler librement ???? Aucune réponse à ces questions qui, trop nombreuses, fusionnent dans mon esprit.
 
A l'âge de 7 ans je me rends chez une amie qui vivait à une centaine de mètres de chez moi afin de récupérer une poupée rousse à laquelle je tenais beaucoup (que je maudis aujourd'hui). Une fois sortie de son immeuble sans cette fichue poupée, un homme, assez jeune, les yeux verts me semble-t-il, la peau blanche, un trai vertical sur le menton, mince, habillé en costume cravate, m'approche et m'attrappe le bras en me disant "je crois que tu as perdu quelque chose, je vais t'aider à le retrouver, viens c'est par ici". Je le suis, très naivement pensant avoir perdu mon mouchoir, et il me traine dans un local situé dans l'immeuble de mon amie, au pied des escaliers. Je vois que rien n'est dans la pièce, mais il ferme la porte à clef (d'ailleurs, je me demande bien d'où cette clef sortait...). Je commence à sentir la peur m'envahir, et je me mets à pleurer, ne cessant de demander de sortir. Il me dit que si je suis gentille avec lui, tout se passera bien. En revanche, si je crie ou me débats, il me menace avec une arme et promets de m'emmurer car il y avait un trou dans l'un des murs, du ciment et une pelle à ciment dans un sceau. Je pleure, je dis que je veux revoir ma maman, mon papa, je le dis des tas de fois. Il me répond de faire ce qu'il me dit et je reverrai mes parents sauf s'il me tue et m'emmure.
Il ouvre son pantalon, je suis toute tremblante, je pleure, j'ai peur. Il me force à lui faire une fellation avant de me violer. Je ressens encore la douleur, je me souviens des larmes qui coulaient sur mes joues, de ce temps long, si long. Il prend du plaisir pendant que je souffre, mais à cette époque je ne me rendais pas compte, je ne savais pas ce que c'était, je savais que c'était mal mais je ne savais pas pourquoi. Ce monstre finit de me "tuer" et se rhabille. Je me sens sale, honteuse. Il ouvre la porte en me disant de ne rien dire à personne, sinon ça se passerait mal. Je suis complètement perdue, je rentre chez moi et je fonce aux toilettes afin que mes parents ne remarquent rien de bizarre sur moi, sur mon visage, ou  l'odeur immonde de ce monstre que je sens encore aujourd'hui.
Je m'essuie soigneusement, je vois un liquide blanc bizarre, j'ai peur.
Deux ou trois ans plus tard, je pleure soudainement et explique à mes parents ce qu'il s'est passé. Il me laissent le choix : aller à la police ou non. Ne voulant absolument pas que ça se sache, je décide de ne rien dire. Ca sera notre secret. J'arrive à m'en sortir malgré des idées suicidaires. Je m'en sors grâce à mes parents qui m'aiment de tout coeur et veulent à tout prix mon bonheur, ils font tout ce qui est en leur pouvoir pour que j'y pense le moins possible et pour que chacun de leur geste me rende heureuse. Je grandis, en pleurant souvent dans ma chambre, aujourd'hui encore il m'arrive de me réveiller en sursaut et de sentir l'odeur de ce monstre. Des phrases résonnent encore dans ma tête "ça fait trois jours que je te suis", "tu n'es pas la première et ne sera pas la dernière", "je ne fais rien aux petites filles de moins de sept ans"..."tu mens tu as plus de sept ans tu es née en fin d'année", "chuut"...
 
Je n'ai jamais porté plainte, je ne veux pas revivre ça mais je veux témoigner et continuer à briser ce silence. Aujourd'hui, j'ai des parents qui m'aiment et ne m'ont jamais empêché de parler, ils n'ont jamais eu honte de moi et j'ai survécu grâce à eux, j'ai un mari qui m'aime plus que tout et qui me soutient, qui m'aime pour ce que je suis, qui continue à me faire survivre. Il m'écoute, me console, n'a pas honte de moi. Et j'ai un enfant, je témoigne pour le protéger. Je suis une maman heureuse, une femme heureuse et comblée. Je ne cache pas que c'est parfois difficile, mais ceci est impossible à mes proches de s'en rendre compte, car je m'efforce de porter un masque : je suis souvent souriante, avec mes collègues et mes amies j'ai toujours la joie de vivre, je ne veux rien laisser deviner. C'est comme au théâtre : je suis un personnage, et quand je suis seule, le masque tombe et je me regarde dans la glace en me demandant pourquoi moi, pourquoi il ne m'a pas tuée. J'ai encore honte, je me sens encore sale.
Il a ouvert une plaie qui contine et continuera à saigner, elle ne se refermera jamais. Heureusement que ma famille est là pour me donner la joie de vivre et panser la plaie.
 
J'autorise mon témoignage à être publié, ainsi que mon mail, qui est lui aussi, anonyme.
maman.heureuse@laposte.net
Maman heureuse.
 
Bonjour,
Merci pour votre témoignage que nous publierons.
Mais attention à ce "masque" qui n'est peut-être pas aussi solide que vous l'espérez ; cependant, vous êtes bien entourée et savez, que vous pouvez compter sur votre famille : c'est inestimable !
Bonne continuation.
Cordialement,

Chantal POIGNANT,
conseil

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