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Un mode de fonctionnement familial qui piège longtemps les enfants

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Mai 2008

Bonjour,

J'ai besoin de vous. J'ai aujourd'hui 41 ans et je vis avec un secret depuis maintenant fort longtemps.
Quand j'avais 13 ou 14 ans , mon oncle, ( mari de ma tante ) a profité du fait que je l'admirais beaucoup pour commencer avec moi une série de gestes à caractère sexuel ( attouchement, baisers sur la bouche ...) jusqu'à mes 16 ans où il y a eu pénétrations répétées ( dans son lit conjugal, dans sa salle de bains, dans l'herbe...).
A l'époque je trouvais cela normal, j'en étais même presque fière.
Seulement je vis depuis 25 ans avec mon mari ( qui est au courant ), qui me soutient beaucoup, mais j'ai une sexualité très perturbée et je suis atteinte de sclérose en plaque. Je suis certaine que cette maladie est lié à mon viol.
J'ai aujourd'hui décidé de rompre le silence. Je veux rendre aux responsables ce qui leur appartient. Mon oncle, ma tante; mes parents et ma grand-mère. Cependant je suis rongée par la culpabilité, la peur des représailles, la honte et la non envie de faire du mal aux autres. Et parfois même l'impression que ce n'est pas grave, que j'exagère, que je l'ai bien cherché...
De plus, je sais que je ne peux plus porter plainte.
J'ai donc besoin d'un petit coup de pouce, pour m'aider à franchir le pas, car je sais que derrière il y a la délivrance. Je veux retrouver mon plaisir perdu depuis trop longtemps maintenant.
Merci de votre soutien.

Bonjour,
Pouvez vous vous mieux m'expliquer cette expression : "je veux rendre aux responsables ce qui leur appartient : mon oncle, ma tante, mes parents, ma grand-mère ?"
Voulez vous dire, en fait, que le "secret" est connu de tout le monde ou du moins suspecté et protégé par le non-dit familial ?
Si oui, cela voudrait dire que vous êtes soumise plus ou moins inconsciemment au mécanisme de "rétorsion" qui transmet l'évidence que toute action visant à changer le
statu quo de la situation se retournera contre la victime et l'ensemble de la famille ; la rétorsion véhicule l'idée que le mal et ses conséquences sont occasionnés par l'action de la victime visant à se défendre. L'action se retourne ainsi contre la victime qui tente de se défendre : "la situation ressemble à celle de quelqu'un qui serait ligoté de telle sorte que ses mouvements provoquent son propre étouffement".
Avez vous l'impression de subir cette forme de communication, où on vous invite plutôt à "collaborer" avec la famille afin de ne pas compliquer la situation, afin de ne pas faire éclater la famille et faire souffrir les autres ?
Vous ne dites pas, en effet, quel rôle joue votre abuseur actuellement au sein de la famille ; est-ce lui qui vous contraint encore actuellement au silence ? Est-ce lui qui ajoute encore à la sensation de culpabilité qu'éprouvent toutes les victimes d'abus sexuel ?
Comment expliquez vous la "surdité" psychoaffective de votre famille et en particulier de vos parents ?
Il semblerait bien, que cet oncle ait mis en place avec vous une relation d'imposture, c'est à dire, qu'il vous a induit volontairement en erreur en s'appropriant votre corps par le biais de la confiance et de l'admiration que vous lui portiez : finalement, il a réussi à vous faire croire que vous étiez la bénéficiaire de cette relation alors qu'il a escroqué votre attachement naïf de jeune fille, votre jeune sensualité.
Cordialement,
Chantal POIGNANT
Conseil

Merci pour votre réponse rapide.
En fait, je viens d'apprendre par ma soeur ( qui elle aussi souffre, elle fût longtemps toxicomane )que mes parents étaient au courant. Ils trouvaient cela normal puisque j'aimais beaucoup cet homme. De plus cela permettait à mon père de coucher avec mes copines, à ma tante de retrouver ses amants, ma mère venait de quitter mon père et restait un peu à l'écart mais savait aussi. L'oncle a déserté je ne sais où. Il y a quelques années j'ai essayé d'en parler à mon père, il m'a répondu que je l'avais bien cherché, quant à ma mère elle a pleuré . Ma soeur de 4 ans ma cadette se débattait dans ses propres problèmes et ne peut m'en parler qu'aujourd'hui.
Vous avez absolument raison, je me sens ligoté jusqu'à provoquer mon propre étouffement , tellement vrai que cela provoque chez moi des poussées de SEP. Si je parle , je fais souffrir les autres mais pire on me dit que je suis responsable ou que mon mari me monte la tête. J'ai eu le droit de coucher avec mon oncle mais mon père a toujours détesté mon mari et ne s'est jamais privé de me le dire. C'est un clan et je dois en sortir.
Ce qui est difficile c'est qu'en apparence, tout va bien. Je suis issue d'une famille plutôt cultivé, bien sous tout rapport...mais ma soeur et moi savions depuis longtemps que nos parents étaient psychologiquement très perturbés et étions dans l'impossibilité de l'exprimer et cela dure. J'ai même essayé de me fâcher avec mon père mais il est revenu et j'ai craqué ne me sentant pas le droit de lui interdire de voir mes enfants.
Bref, si j'hésite encore c'est qu'au fond de moi je n'ai pas encore la conviction profonde qu'après, cela ira mieux, étant toujours très sensible au chagrin que je peux faire aux autres et surtout sachant qu'eux ne changeront jamais.. J'en arrive même à penser parfois que si je quittais mon mari, je pourrais éviter de régler le problème...

Bonjour,
Justement, dans ces familles apparemment bien structurées, qui offrent un profil "normal", ce sont les révélations d'incestes ou d'abus sexuels qui font apparaître le dysfonctionnement pré-existant : "la particularité de ces familles est, en effet, le décalage entre l'image donnée à l'entourage et ce qui se passe à l'intérieur". Deux auteurs, Reynaldo Perrone et Martine Nannini, respectivement thérapeute familial et éducatrice, soulignent "la caractéristique contraignante de l'image de bien-être que la famille offre à l'extérieur : les enfants sont censés l'entretenir et apportent leur participation active à la mystification montée par les adultes" ; il y règne une véritable tyrannie, parfois diffuse, où les révélations sont toujours présentées comme dangereuses ; le territoire familial peut avoir ses propres lois et échapper ainsi aux lois de la société ; il devient le groupe à protéger en priorité... Et vous êtes vécue alors comme susceptible de trahison.
Apparemment, cela fonctionne bien ainsi pour vous, jusqu'à la faible intégration de votre compagnon dans cette famille, pour laquelle il est l'élément extérieur déstabilisateur ; ne songez pas à rompre avec votre conjoint pour protéger votre famille : ce serait vraiment accepter les règles du jeu !
J'aimerais pouvoir publier votre témoignage, anonymement ou non, parce qu'il est très révélateur d'un mode de fonctionnement familial qui piège longtemps les enfants.
Je ne ferai rien sans votre autorisation explicite.
Cordialement,
Chantal POIGNANT
Conseil

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