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Suis-je vraiment condamnée à être si désespérée ?

Email supprimé à la demande de l'intéressée
Novembre 2007

Bonjour,

je vous avais déjà écrit il y a peut-être un an à propos d'attouchements que j'avais subis de la part de mon oncle. Aujourd'hui ma situation s'est éclaircie (j'en ai parlé à ma famille ; expliqué à ma tante que je ne désirais plus les revoir, elle et ses enfants tous me rappelant des souvenirs difficiles) et terminé une thérapie.

Aujourd'hui je suis pour ainsi dire "sortie" d'une grande période de doute et ayant pris tant de décisions et amorcé tant de discussions difficiles avec des conséquences parfois douloureuses (perte de famille, j'ai appris également des histoires familales incestueuses autres...) je serais aujourd'hui dans un temps de construction saine, ayant tourné la page (passé mon bac, des amies, des projets...).

Ce qui m'amène donc à vous réécrire de nouveau sont quelques interrogations :
- Malgré tout mon travail avec thérapie et avec mes proches, je me sens toujours faible et surtout extrêmement seule. Je sais que la douleur ne disapraîtra jamais mais suis-je vraiment condamnée à être si désespérée, et triste si souvent ?
- J'ai eu pendant un an un petit ami de mon âge à qui j'avais parlé de cette histoire et avec qui j'ai connu mes premiers rapports sexuels. Or j'ai toujours remarqué parfois un comportement étonnant de ma part (ou pas ?) dans la mesure où j'ai parfois du mal à m'impliquer dans l'acte sexuel, comme si je n'arrivais pas à me concentrer jusqu'à ce que je reprenne conscience de ce qui se passe, chose que lui n'a jamais remarqué (il n'a jamais connu d'autres relations qu'avec moi). Mais bien sûr cette petite angoisse a des répercussions assez désagréables (perte d'envie momentannée). Or présentement je suis avec un homme beaucoup plus âgé que moi et qui contrairement à mon précédent petit ami a tout arrêté en me demandant ce qui se passait alors que je me déconcentrais et qui a vraiment tenu à ce que je m'explique (personnellement je n'ai absolument pas eu l'impression de faire quoi que ce soit qui se remarque...). J'ai donc mis ça sur le compte d'une réaction un peu traumatique (je lui ai aussi parlé de mon histoire). Mais au fond je ne sais pas s'il y a un rapport ? Vous a-t-on déjà parlé de ce genre de réaction ? (tout à coup réaliser qu'on n'était plus vraiment là et qu'on se laissait faire amenant alors une grande tristesse qui ne s'explique pas).

Je suis désolée si je ne suis pas claire dans ce que je raconte. En tout cas merci beaucoup de votre attention.

Bonjour,
Je me souviens...
Ce que vous décrivez ressemble beaucoup à un processus de "dissociation" souvent observé chez les victimes d'abus sexuels. La dissociation est "le processus mental consistant à séparer des informations ou des ensembles d'idées du reste de la personnalité, de telle façon qu'ils existent par eux-mêmes et exercent leur influence sans que la personne en ait conscience".
Ainsi, il est courant que dans des moments de stress ou au cours d'une expérience qui lui rappelle directement ou de façon symbolique l'abus qu'elle a subi, la personne utilise ce "mécanisme de défense" pour éloigner ses émotions et ceci de manière inconsciente.
Ces manifestations de dissociation se caractérisent par une "absence", une immobilité corporelle, une apparente paralysie des réactions affectives ou/et émotives, comme si le lien au corps (ou aux autres) était soudainement coupé, comme si la communication était interrompue entre le corps et le psychisme.
Effectivement, ce dont vous "souffrez" est relativement courant et peut s'expliquer par votre histoire.
Les thérapeutes d'inspiration Ericksonienne s'emploient à rétablir la capacité de vivre positivement la sensualité et la sexualité chez leurs patients par différentes techniques axées sur le "dialogue" avec le corps et d'autres thérapies corporelles.
De la même manière, ce sentiment de solitude et de désespoir intense, est le signe que vous vous défendez encore, et c'est normal, contre les conséquences de votre traumatisme. Peu à peu, vous allez reprendre possession de votre vie et le sentiment "d'impuissance" qui parfois vous anime va disparaître, au fur et à mesure que vous parviendrez à vous fixer des objectifs en termes positifs et à les poursuivre avec obstination.
Votre progression est réelle et elle n'est pas terminée.
SVP, j'aimerais que vous m'autorisiez à publier votre témoignage, même anonymement si vous le souhaitez, parce qu'il est, contrairement à ce que vous pensiez, très clair et votre parcours pourrait aider d'autres personnes.
Cordialement,
Chantal POIGNANT
Conseil

Bonsoir,

Merci de votre réponse ; ce que vous appelez "dissociation" et les domaines qu'il touche, m'éclaire beaucoup dans la mesure où je ressens cette sensation de paralysie, ou d'inertie dans d'autres situations que sexuelles même si c'est dans celles-ci que c'est peut-être le plus flagrant puisque le plus visible dans l'intimité. Vous pensez que pour régler ce problème il faudrait passer par une thérapie "par le corps" ? (ce qui ne me paraît en outre pas illogique
puisque c'est souvent dans des situations qui le mettent en cause que je ressens ce malaise). Y a-t-il d'autres moyens pour éviter cet automatisme contre lequel j'essaie de lutter ?
Sinon votre réponse sur un avenir en progrès avec un diminution de tristesse possible me soulage beaucoup. J'espère que tout ceci paiera enfin par un bien être un peu durable...

Je veux bien que mon message soit publié ; si vous pensez que ça puisse apporter à d'autres personnes je tiens à dire que ce que j'ai vécu est infime dans ce qui s'est physiquement passé (quelques caresses) et que je pense avoir au moins acquis la certitude qu'une intention malsaine seulement, peut avoir des conséquences énormes (peut-être du même ordre qu'un viol).
Ensuite qu'en avoir parlé avec ma famille, si ça a brisé sûrement des acquis, a également permis de très belles choses, entre autre de parler et de se rapprocher... Je recommande donc par expérience d'en parler si c'est bien sûr possible (par expérience aussi dans une relation amoureuse en parler n'a pour ma part jamais rien gâché contrairement à ce que je craignais).
Vous avez raison de dire que j'ai "progressé" depuis mon dernier mail : parce qu'avec tout ce travail on apprend à mieux se connaître et on s'autorise à vivre surtout (je ne dis pas qu'on pleure moins mais on sait pourquoi et on sait, entrevoit qu'il y a une issue peut-être possible). Entre autre merci de faire exister ce site qui par ses témoignages et vos réponses m'a aussi aidé à y voir plus clair.
Enfin je voulais préciser que j'ai 18 ans, que je me suis souvenue de tout ceci en troisième après cinq ans d'oubli et que si j'aurais voulu ne jamais avoir à vivre tout ça il me semble vital de ne pas attendre des années avant de s'en occuper même si ça paraît difficile de gâcher tant de temps quand on est jeune.

Merci encore une fois de votre attention,

Maud.

excusez-moi vous pouvez aussi joindre mon e mail si ça peut aider d'autres personnes que de partager ce que j'ai vécu.

[email supprimé]

Assurément, votre témoignage et les précisions que vous apportez à celui-ci, seront utiles notamment, en direction de nombre de jeunes-filles qui n'osent pas parler, de crainte des conséquences que pourraient avoir les révélations ; vous démontrez les "vertus" de la parole, même quand elle est douloureuse et dérangeante.
Merci de votre autorisation.
Pour enfin répondre à votre dernière question, une des "techniques" pour cette étape de (re)création-(re)trouvailles avec le sentiment de son corps, est la méthode de conscience du corps par le mouvement de Moshé Feldenkrais (Gimenez G. "les objets de relation" dans "Processus psychiques de la médiation" 2002).
Mais tout ce qui va dans le sens de la restauration de la confiance en soi et du renforcement de l'estime de soi, par l'apprivoisement du corps, par des actes créatifs, relationnels, est propice au développement personnel.
CP

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