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Deux vies, deux enfers...

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Juillet 2007

Je suis originaire de la Corée du Sud et ai été adoptée à l'âge de 8 ans avec mon frère de 11 ans et ma soeur de 12 ans.

Ma mère biologique est décédée d'une maladie inconnue, lorsque j'avais 6 ans. Mon père était alcoolique. Pour subvenir à nos besoins, il a arrêté de travailler, mais s'est remis à boire de plus belle. Un jour, nos voisins l'ont dénoncé et sous l'effet d'ébriété, il a signé un acte d'abandon. Je n'ai pas compris à mes yeux d'enfant, pourquoi sa soeur qui avait 2 fils et qui avait une vie aisée à Séoul ne nous avait pas aidés. Peut-être ne le pouvait-elle pas ?

Je suis restée 9 mois à l'orphelinat où j'ai vécu d'autres traumatismes. J'ai attrapé des maladies et ai vu un film d'horreur qui me traumatise encore…

Nous étions destinés pour les Etats-Unis. Un couple français de 40 ans nous a adoptés.

Manque de chance, je suis tombée dans une famille "anormale" !

J'ai 32 ans et gardé le SILENCE pendant 16 ans et aujourd'hui, j'ai fait mon " coming out ".

Après tant d'années de mutisme inextricable, j'éprouve le besoin de clamer mon INNOCENCE d'enfant AU MONDE ENTIER ! C'est un cri de douleur insoutenable trop longtemps enfoui dans mes entrailles !

A l'extérieur, j'étais une enfant très timide, voire coincée, je rougissais très facilement. J'intériorisais ma révolte. Je me défoulais à la maison et ne pouvais supporter de vivre dans un environnement familial toujours conflictuel et tumultueux où la mère était elle-même victime de maltraitances de la part de son propre mari. Ma mère adoptive est une femme battue !!! Elle m'humiliait souvent et parfois même en public. Elle a fait tout en sorte pour nous désunir, alors nous nous entendions si bien jusqu'à ce qu'elle dise trois semaines après notre arrivée en France "stop, vous êtes en France, la Corée c'est fini, vous devez parler français". Elle nous montait les uns contre les autres, si bien que maintenant je n'ai plus aucun contact avec mon frère. Sa loi, c'était " diviser pour mieux régner ".

Je pense que ma révolte intérieure a pris sa source à l'âge de cinq ans, lorsque j'ai vu mon père biologique grabataire, à moitié agonisant sur le sol et complètement ivre mort. Je me souviens l'avoir ramassé et l'avoir mis au lit. Au seuil de sa mort, ma mère poussait des hurlements et restait alitée des journées entières.

Je ne me souviens pas exactement comment tout cela a commencé et ai essayé d'oublier…, mais comment oublier l'insoutenable, voire l'impensable !

J'ai été victime d'inceste par le grand-père maternel de 11 à 14 ans !

Je me suis retrouvée un dimanche matin à faire la grasse matinée dans le lit de mon grand-père maternel et il a commencé à me peloter et la PIRE HONTE, c'est que je ne me revois pas lui avoir dit NON et c'était le début de l'engrenage infernal !

Il me faisait peur et exerçait sur moi une emprise totale ! Je crois que quelque part il me fascinait, car c'était un grand orateur apprécié de tous ses amis et était même ami avec le maire de sa ville. Pendant les réunions de famille, il jubilait de faire de grands discours très moralisateurs, dignes d'un homme politique ! Toute la famille devait sagement boire ses bonnes paroles.

Il exigeait que je sois assise à côté de lui pour essayer de me peloter. Il m'offrait des cadeaux ou me donnait de l'argent. En échange, je devais lui faire des choses, me soumettre, être gentille et lui faire plaisir.

Mes parents avaient deux chiens et cinq chats et il venait les soigner presque tous les après-midis. Il avait en fait pris ce prétexte pour m'attendre à la sortie de classe.

Il me forçait à l'embrasser comme on s'embrasse dans un vrai couple, lui faire une fellation et me faisait le cunilungus, et moi je ne ressentais rien, je subissais ses gestes de vieux dégoûtant pervers tout bedonnant !! Une ou deux fois, je ne sais plus, il a tenté de me pénétrer, mais était conscient que j'étais vierge et qu'il pouvait me mettre enceinte. Il m'a donc pénétré partiellement !! Il me caressait, comme une femme, alors que je n'étais qu'une enfant innocente de 11 ans !
Ensuite, il se masturbait jusqu'à ce qu'il éjacule dans son mouchoir et jouisse jusqu'à l'extase totale, alors que moi, cela ne me faisait absolument rien. J'obéissais comme un chien obéit à son maître ! Depuis, je ne peux plus voir les mouchoirs en tissu !! Après il rentrait chez lui dorloter sa femme.

Au début, je ne me rendais pas compte de la gravité de la chose !! Je me laissais faire, quelle honte de se laisser abuser par un grand-père, par un vieux sexagénaire !

Toujours les mêmes phrases, il me disait d'être gentille avec lui. Il me manipulait mentalement. Il me défendait lorsque je me disputais avec ma mère ou ma sœur. Une fois, il a exigé de mes parents qu'ils m'offrent pour Noël une chaîne Hifi, sinon il ne viendrait pas au Réveillon. Il tenait mes parents avec son argent !

Mes grands-parents habitaient à 500 m de chez mes parents et parfois, je dormais chez eux le samedi soir. Le grand-père venait me réveiller la nuit pour me peloter, alors que sa femme dormait juste dans la chambre de l'autre côté ! Je ne sais pas pourquoi, je retournais chez eux ! Peut-être parce que je ne me sentais pas bien non plus chez mes parents, prise entre deux feux, la femme battue et un père inexistant et violent !

Je partais également en vacances avec mes grands-parents au camping. Dès que ma grand-mère avait le dos tourné, il s'arrangeait pour me peloter et me mettre ses doigts dans mon vagin. Il me disait que c'était un secret entre nous et qu'il fallait surtout que je ne le répète à personne et que lorsque j'aurai un copain à 18 ans, on verrait ! A mesure que le temps passait, je me rendais bien compte que ce n'était pas NORMAL et ne pouvais me confier à personne, ni même à ma meilleure amie de l'époque ! Je voulais parfois fuguer, mais en tant qu'enfant adoptée, je ne voulais pas me retrouver une fois de plus à l'orphelinat !

Et cela a duré pendant trois ans jusqu'à ce que je PARLE ENFIN ! Je ne pouvais pas, j'avais trop honte et me sentais incapable de révéler une telle horreur et puis qui me croirait ? J'ai enfin compris que je n'étais que sa PUTE, sa CHOSE pour assouvir ses plaisirs sexuels !

J'avais alors 14 ans et demi et c'était au mois de juillet. Je l'ai révélé d'abord à ma grand-mère en lui montrant dans le dictionnaire le mot " inceste ". Bien entendu, elle ne m'a pas cru. Elle m'a traitée de folle et m'a dit : " mais, ma pauvre fille, tu racontes n'importe quoi ! ". Elle a immédiatement convoqué son mari qui a immédiatement nié et rétorqué "mais c'est faux, tu vois bien qu'elle raconte des salades pour faire son intéressante, tu ne me crois pas capable d'une chose pareille ! tu ne vas pas la croire plus que moi". Depuis ce jour, je me suis rendue coupable de la mort de ma grand-mère, qui déjà malade depuis sa retraite, n'a cessé d'être malade jusqu'à son décès !

Le mois d'août est passé dans le silence... Ce fût le drame dans toute ma famille ! Réunion de famille après les vacances ! Briser le silence, quelle chose terrible ! Mais, je n'en pouvais plus, il fallait que ça sorte !

Ma mère m'a d'abord prise entre quatre yeux. Bien entendu, elle ne me croyait pas non plus. Je me souviens de ses paroles " mais, ma pauvre fille, comme tu as pu… tu aurais pu dire non, tu sais très bien dire non quand il faut ; mais je ne comprends pas, moi, il ne m'a jamais touchée". Elle m'a immédiatement accusée au lieu de tenter de comprendre. Le ciel lui était tombé sur la tête ! Quant à son mari, il était complètement dépassé par les événements !

Ma mère a demandé à ma sœur s'il avait essayé avec elle. Elle lui a répondu qu'il avait essayé, mais qu'elle avait sur dire non. Elle avait quatre ans de plus que moi !

Ma mère m'a emmené chez le médecin de famille pour faire constater si mon bourreau m'avait pénétré. Comme ce n'était pas le cas, je crois qu'elle m'a haï à ce moment-là !

Le médecin m'a demandé de raconter mon histoire par écrit. Je lui ai remis le bout de papier qu'il a dû conserver ! Je ne me souviens pas ce que j'ai raconté.
Il a ensuite vu le grand-père qui a reconnu les faits et lui a promis de se faire soigner. Je lui ai fait avouer son crime, mais il avait l'art et la manière de retourner la situation. Il a pleuré comme un petit enfant et a dit qu'il m'aimait et que je ne détestais pas ça ! Vous savez, c'était un grand comédien ! Comment pouvais-je aimer ça ? Je n'ai jamais su s'il avait commencé une thérapie. Le médecin a vu ma mère en aparté et n'ai jamais su ce qu'ils se sont dits. Toujours est-il que ma mère ne devait plus m'approcher de mon grand-père, mais cela n'a duré qu'un temps. Je le revoyais ensuite dans les réunions de famille et essayais de fuir son regard...

Quant à moi, ma mère m'a juste dit qu'"on s'en sortirait" et rien de plus…. On n'a jamais plus reparlé de cet épisode de ma vie ! Vous vous rendez compte qu'elle ne m'a même pas envoyé chez un thérapeute ! J'ai dû me débrouiller seule avec mes problèmes ! C'était la période la plus noire de ma vie ! Je me suis repliée sur moi-même, je ne pouvais pas voir mon corps pendant six mois, je m'habillais avec de grands tee-shirts larges pour paraître la plus transparente possible. J'ai raté en partie ma classe seconde et surtout mon permis à cause de ça ! A 16 ans, j'étais presque autiste !

Depuis, je me sens mal dans ma peau. Ce mal être s'est transformé en agressivité ! J'ai développé un complexé d'infériorité et n'ai pas confiance en moi. Je n'aime pas mon corps et ne m'aime pas ! J'ai du mal à faire confiance à autrui ! Je me sens également seule et ce sentiment de solitude, je l'ai toujours eu, il me semble !
Ma relation avec ma mère déjà mauvaise est complètement anéantie ! Je pense qu'elle me méprise et me prend pour une perverse !

Mon bourreau est maintenant décédé et ce qui m'est arrivé m'obsède tous les jours. Personne de ma famille, excepté ma sœur, ne m'a dit que je n'étais ni COUPABLE, ni RESPONSABLE !

Si je parviens à témoigner aujourd'hui, c'est grâce à une amie qui m'a avoué il y a deux ans avoir été violée à 17 ans. J'étais sidérée ! Je lui ai à mon tour raconté mon histoire. Nous avons pleuré toutes les deux !

J'arrive à ce stade de ma vie où j'ai besoin de parler et d'hurler au monde entier ce qui m'est arrivé.

Depuis cette année, j'ai décidé de me prendre en main. Je suis actuellement deux thérapies et participe à un groupe de paroles pour victimes d'inceste. J'interviens sur les forums et réponds à d'autres victimes. J'écris mon histoire et des poèmes.

Si je souhaite témoigner aujourd'hui, c'est parce que je veux briser ce mur du silence qui m'a trop fait souffrir ! Je ne parle de mes traumatismes que depuis un an...

Je n'ai compris que j'étais une VICTIME que depuis deux mois après avoir lu trois livres de victimes d'inceste.

Vous ne pouvez pas imaginer comment la parole est libératrice !

Emilie

Bonjour,
Le fait que vous soyez une enfant adoptée a certainement permis à vos agresseurs de nier l'inceste et donc de passer à l'acte plus facilement.
Ce que je viens d'écrire doit ajouter à votre douleur et à votre solitude, pardonnez moi, mais ces mots sont peut-être nécessaires pour tenter de faire le deuil de l'irréparable, de l'intolérable, afin de vous propulser dans votre nouvelle vie qui commence puisque vous déclarez faire votre "coming-out". Faire son coming-out, ce n'est pas seulement dévoiler ce qui était caché mais dévoiler pour pouvoir intégrer dans sa vie ce qui était dissimulé et nous empêchait d'être vraiment "nous" ; en effet, nous vivons avec des blessures et des cicatrices mais quand nous ne pouvons pas nous représenter ces blessures, les assimiler ne serait-ce qu'un peu, les sublimer parfois, alors, nous restons paralysés, en dehors de notre être, à moins que notre être ne se confonde avec une douleur insondable.
Votre cri est un cri d'ouverture vers l'avenir mais il ne faut pas qu'il se perde : avez vous un soutien qui vous permette de continuer ce mouvement de "re-naissance" sans trop vous épuiser ?
Avez vous construit votre famille à vous ?
Vous souhaitez être publiée mais acceptez vous la publication avec cet e-mail ou un autre, anonyme? Voir ici :
* http://www.sosfemmes.com/faq/email_anonyme.htm
J'attendrai votre réponse.

Cordialement,
Chantal POIGNANT

C'est encore moi ; j'ai relu votre message en essayant de concevoir ce que vous alliez ressentir à ma réponse ; je me dis que vous avez des ressources psychologiques et je crois en vous ; cependant n'hésitez pas à me questionner si vous voulez ; et puis, prise par votre histoire, j'ai oublié de vous joindre cette liste :
* http://www.sosfemmes.com/violences/violences_bibliographie.htm
J'espère avoir de vos nouvelles
Cordialement,
Chantal POIGNANT


Bonsoir Madame Poignant,

Merci pour votre réponse réconfortante. J'ai l'impression que vous me comprenez si bien.

Comme vous dites, le fait d'être une enfant adoptée et d'avoir un passé lourd m'ont conforté dans les souffrances et la solitude, sentiments que toute victime connaît si bien.

J'espère ne pas perdre ce cri d'ouverture. Comme dit ma psy, je suis toujours sur le fil du rasoir. Je vais bien quelques jours, je vais mal un autre jour et la révolte et l'agressivité reprennent le dessus. J'espère de tout coeur vaincre cette agressivité qui pourrit ma vie de couple.

J'ai le soutien de mon ami, de mes amis, mais je ne peux pas dire que j'ai le soutien de ma famille, excepté peut-être ma soeur avec laquelle je fais un monologue.

J'ai coupé volontairement les ponts avec mes parents il y a 6 ans. Ils n'aiment personne et n'ont jamais approuvé ce que je faisais.

Je fais des études par correspondance tout en travaillant. Je rame beaucoup et ai espoir d'y arriver....

Si je suis une thérapie, c'est en partie également pour ne faire subir à mon futur enfant mes sauts d'humeur... Oui, je souhaite construire une famille, mais ne veux qu'un enfant.

Merci pour votre soutien.

Emilie

P.S. : Vous pouvez publier mon témoignage.

Bonjour,
Merci de votre autorisation à la publication ; souhaitez vous que nous la fassions avec cet e-mail ou avec une autre adresse que vous créerez ?
* http://www.sosfemmes.com/faq/email_anonyme.htm
Vous êtes toujours sur le fil du rasoir, comme dit votre psy, parce que vous n'avez pas encore fini de faire le tri en vous et peut-être hors de vous, vous n'avez pas encore ordonné tout à fait votre histoire mais c'est aussi l'objet de la thérapie que vous suivez : établir les vérités et les responsabilités.
Surtout, poursuivez bien votre communication thérapeutique avec cette professionnelle, laquelle vous aide à "fixer" votre identité.

Cordialement,
Chantal POIGNANT

Rebonsoir,

Quand personne n'a cru en vous pendant toute votre jeunesse, il est très difficile de recevoir des compliments ou quelqu'un croie en vous.

Merci de croire en moi, même si vous ne me connaissez pas.

Avec la thérapie, des scènes de violence conjugale que j'avais occultées me sont revenues. Je me demande comment une femme battue peut rester toute sa vie avec son bourreau. N'est-ce pas l'amour-passion ? Aux dires de ma soeur, il paraît que ma mère n'est plus battue depuis qu'elle a eu son cancer du sein.

Je voudrais également connaître les conséquences de la violence conjugale sur les enfants ?

Auriez-vous un ouvrage à me conseiller en particulier ?

Merci de vos réponses précieuses.

Bonne soirée,

Emilie

Ah non! il ne s'agit pas d'amour passion ni même d'amour dans ces cas là, c'est tout simplement une relation d'emprise où l'un domine l'autre et le manipule pour inconsciemment se rassurer sur son pouvoir et son identité, laquelle justement est loin d'être sans faille...
Les conséquences de la violence conjugale peuvent être très déstabilisantes, désorganisatrices ; voir ici :
* http://www.sosfemmes.com/violences/violences_cout.htm
* http://www.sosfemmes.com/violences/violences_differentes_formes.htm
* http://www.sosfemmes.com/violences/violences_profil.htm
"La violence impensable" de F.Gruyer, M. Nisse et P. Sabourin chez Nathan.
De R. Coutanceau aux éditions Odile Jacob "Amour et violence, le défi de l'intimité".
Bonne lecture et bon courage mais vous avez encore tellement de choses à dire pour éloigner tous vos tourments, que je vous demande d'être patiente et confiante en l'avenir et en vous.
Cordialement,
Chantal POIGNANT

Bonsoir,

Vous pouvez publier avec mon e-mail. Maintenant que je suis sortie du silence, je n'ai plus envie de me cacher.

Merci pour votre soutien.

Emilie http://luniversdemeelou.blog4ever.com/blog/index-155472.html

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